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L'endométriose, parlons-en avec Endo France et l'UHA

L'endométriose, parlons-en ! Une série de podcasts proposée par la Nef des sciences et Radio WNE. Après la rencontre de Géraldine Escriva-Boulley, maitresse de conférences à l'UHA qui mène un travail sur l'activité physique et l'endométriose, suite au témoignage édifiant de Vanessa qui raconte des années de souffrance, poursuivons notre découverte de cette maladie méconnue avec trois invitées : Fabienne, bénévole à EndoFrance, Nathalie Gavens, maîtresse de conférences à l'UHA et Laura Bollinger, doctorante.



"L'écho des savantes", série de podcasts de la Nef des Sciences , avec le soutien de la Région Grand Est. Une question, une scientifique, une réponse
"L'écho des savantes", série de podcasts de la Nef des Sciences , avec le soutien de la Région Grand Est. Une question, une scientifique, une réponse

Cet article est la transcription écrite d'un entretien audio que vous pouvez écouter en podcast. Enregistrement réalisé le 18 mars 2025 pendant À votre santé, le mois de la santé et de la recherche médicale en Alsace et dans le Grand Est. Une coproduction Nef des sciences mené avec l'équipe Radio WNE, Lisa Giannarelli, Lévi Giner, Louis Priem, Sixtine Schwarte et Jean-Luc Wertenschlag.




  • Bonjour, bienvenue sur Radio WNE en ce mois de la santé et de la recherche médicale "À votre santé". Nous recevons trois invitées pour parler de l'endométriose. Fabienne, bénévole chez EndoFrance. Nathalie Gavens, maître de conférence en psychologie de l'éducation à l'Université de Haute-Alsace, et Laura Bollinger. doctorante en sciences de l'éducation et de la formation à l'Université de Haute-Alsace également. L'endométriose, parlons-en, puisqu'on ne parle jamais assez de cette maladie qui touche une femme sur dix, dont le diagnostic moyen met sept ans. Des souffrances assez terribles touchent des millions de femmes dans le monde. Nous allons nous intéresser à cette maladie, évoquer son histoire, voir ce qu'elle signifie médicalement et également chercher des solutions pour moins souffrir. Fabienne, peux-tu définir l'endométriose ?


[Fabienne] Pour bien planter le tableau, quelques chiffres que tu as déjà commencé à citer. L'endométriose, c'est une personne menstruée sur 10 qui est diagnostiquée. Ça veut dire qu'il y en a certainement beaucoup plus. Et ensuite, 7 années d'errance médicale avant qu'un diagnostic puisse être posé. C'est 70% de douleurs invalidantes. Et 40% des cas d'infertilité sont liés à l'endométriose. Et enfin, le dernier chiffre, c'est zéro.

Il n'existe pas de traitement curatif de l'endométriose.





  • Si l'endométriose existe depuis l'Antiquité, elle n'a été identifiée qu'en 1860 par un médecin allemand. On peut expliquer médicalement, scientifiquement, qu'est-ce que c'est l'endométriose ? Qu'est-ce qui se passe dans le corps de la femme pour provoquer tant de souffrances?


[Fabienne] C'est une maladie inflammatoire qui, au début, est gynécologique parce que souvent, elle démarre par des douleurs de règles. Mais avec le temps, elle va devenir chronique et systémique, c'est-à-dire généralisée. Alors, qu'est-ce qui se passe? L'endométriose tire son nom de l'endomètre, une muqueuse qui tapisse l'intérieur de l'utérus et qui, chaque mois, va s'épaissir pour accueillir l'embryon. S'il n'y a pas fécondation, cet endomètre se détache et c'est les règles. L'endométriose, en fait, c'est des petites cellules qui ressemblent à celles de l'endomètre, mais qui vont se greffer. sur les organes qui entourent l'utérus. Mais la particularité de ces cellules, c'est qu'elles sont sensibles, comme celles qui sont à l'intérieur de l'utérus, comme celles dans l'endomètre, elles sont sensibles aux hormones. Et ça veut dire que tous les mois, sous l'influence de ces hormones, ces cellules vont saigner, ça va créer de l'inflammation et des douleurs. Voilà, c'est ça l'endométriose. Chaque mois, ces saignements, cette inflammation se reproduit. Et c'est ce qui provoque à la longue des nodules, des lésions et ces douleurs qui peuvent être invalidantes.


  • Les règles douloureuses sont toujours dues à l'endométriose ?


[Fabienne] Non, heureusement, toutes les règles douloureuses ne sont pas de l'endométriose, loin de là. Pour l'endométriose, on commence à s'inquiéter quand les douleurs deviennent vraiment invalidantes. D'abord, quand des simples antalgiques, type paracétamol ou anti-inflammatoire, ne suffisent pas pour supprimer la douleur. Et quand vraiment, malgré ces antalgiques, on n'arrive pas à se lever pour aller à l'école, pour aller travailler, on peut avoir des pertes de connaissances, des vomissements, il faut vraiment s'inquiéter. Et après, il existe aussi d'autres maladies qui provoquent des règles douloureuses, comme le syndrome des ovaires polycystiques ou les varices pelviennes.


  • Concernant ces règles douloureuses, certaines se battent pour obtenir des congés menstruels. Cela fait partie des demandes EndoFrance, est-ce que vous êtes sur ce terrain de revendication de congés menstruels qui peuvent être dus à l'endométriose ?


[Fabienne] Le congé menstruel, effectivement, plusieurs entreprises ont réussi à l'obtenir. C'est très bien pour les femmes qui peuvent en bénéficier. La position d'EndoFrance vis-à-vis de ce congé menstruel est plus de se battre pour avoir une bonne prise en charge. En fait, c'est l'essentiel, c'est que si on a mal au ventre et qu'on est arrêté, c'est très bien, mais ça peut aussi être un élément de discrimination à l'embauche. On a déjà, nous les femmes, le congé de maternité. Si en plus on a les douleurs, les règles douloureuses, ça peut être un élément de discrimination. Donc ce qu'on souhaite surtout, c'est d'aider à former des médecins et que la prise en charge puisse être efficace et correcte.


  • Fabienne, tu es bénévole à EndoFrance. Peux-tu expliquer quelle est cette association qui compte uniquement des bénévoles?


[Fabienne] EndoFrance est une association de patientes, c'est la première association française de lutte contre l'endométriose, créée en 2001. Cette association a trois missions, soutenir, informer et agir. Soutenir les femmes atteintes d'endométriose et leur entourage. Ensuite informer le grand public sur la maladie. On le fait grâce à un comité scientifique, composé d'experts dans le domaine. Et ce comité scientifique valide toutes les informations qu'on communique. Donc, on informe le grand public. On informe également dans les écoles. On fait de la sensibilisation scolaire parce que EndoFrance est maintenant agréée par le ministère de l'Éducation nationale, qui nous permet d'intervenir dans les établissements scolaires. Et enfin, on agit auprès des pouvoirs publics pour améliorer la prise en charge des patients.


  • Il y a un côté scientifique, bien sûr, dans l'endométriose et l'Université de Haute-Alsace s'est aussi emparé de ce sujet. Commençons par présenter le LISEC, le Laboratoire Interuniversitaire des Sciences de l'Éducation et de la Communication. Nathalie Gavens, maître de conférence à l'UHA, c'est quoi le LISEC ?


[Nathalie Gavens] Le LISEC, Laboratoire interuniversitaire des sciences de l'éducation et de la communication regroupe les sciences de l'éducation et de la formation, mais aussi les sciences de l'information et de la communication. Il est interuniversitaire parce qu'il réunit les universités de Lorraine, de Strasbourg et de Haute-Alsace. Et donc, il regroupe un grand nombre d'enseignants-chercheurs, une soixantaine à peu près, et une centaine de doctorants qui travaillent sur des sujets autour de l'éducation. de la formation, de l'information et de la communication. Nous avons une antenne, le LISEC-UHA, qui regroupe les chercheurs des campus de Mulhouse et de Colmar. Le laboratoire est structuré en quatre équipes. Une première équipe qui s'appelle "activité, travail et identité professionnelle", s'intéresse à la formation des adultes, du type VAE (Valorisation des Acquis de l'Expérience) ou tout ce qui relève de la formation professionnelle, chacun d'entre nous peut être concerné au cours de nos métiers. Un deuxième axe "normes et valeurs", aux aspects philosophiques, historiques, épistémologiques de la question de l'éducation et de la formation. Il y a l'axe "apprentissage, pratique d'enseignement et d'éducation", auquel Laura et moi appartenons. Et puis l'axe "technologie et communication", qui regroupe les recherches autour de l'usage du numérique, toutes les questions autour du numérique et de la communication. C'est donc extrêmement large. Tout dépend déjà de l'axe avec lequel on va façonner sur la formation des adultes, l'éducation, l'information. Et après, les exemples sont multiples...





  • Numérique, communication, il y a un exemple concret de ce que ça peut donner en termes de thèse, de recherche ?


[Nathalie Gavens] L'utilisation des outils électroniques pour réfléchir aux nouvelles pédagogies à l'université par exemple. Ça peut être l'appropriation d'outils pour des personnes âgées qui ont des besoins particuliers. Ça peut également toucher ce que souvent on a comme représentation de l'éducation, l'éducation scolaire. Or l'éducation recouvre vraiment un grand nombre de situations. Ça peut être l'éducation thérapeutique du patient, ça peut concerner des élèves, mais aussi des adultes. On parle d'endométriose avec des femmes qui doivent apprendre des tas de choses sur leur santé. Ça c'est de l'éducation thérapeutique, de l'éducation pour les adultes, ce qu'on appellerait de l'andragogie par exemple, ou de la géragogie pour les personnes plus âgées. Là aussi les personnes âgées doivent s'approprier des outils, de nouveaux environnements, numérique ou pas, tout ça sur le level de l'éducation ou de la formation.





  • Comment s'emparer de l'endométriose en recherche à l'UHA ? Laura Bollinger, tu es doctorante en sciences de l'éducation et de la formation à l'Université de Haute-Alsace. De quoi parle ta thèse ?


[Laura Bollinger] Ma thèse porte sur l'endométriose chez les adolescentes, et plus généralement la santé menstruelle. Et on s'intéresse notamment aux enjeux éducatifs autour de ces phénomènes-là.


  • Pourquoi choisir ce sujet ?


[Laura Bollinger] À la base, c'est une initiative, un projet qu'on a soumis au Grand Est qui nous a attribué des financements pour travailler sur ces thématiques-là, étant donné qu'il y a de grands besoins. Comme on l'a vu, l'endométriose est une maladie qui met des années à être diagnostiquée. Et pourtant, elle se manifeste souvent dès l'adolescence. Plusieurs facteurs influencent ce retard de diagnostic. Déjà, le fait que les lésions soient difficilement observables sur l'IRM à cet âge-là. Et le fait que la douleur menstruelle est extrêmement banalisée, que ce soit par les jeunes femmes elles-mêmes, par leur entourage, ou même par les professionnels de santé. Ajoutez toute la stigmatisation autour des règles... On peut entendre par exemple que les règles, c'est quelque chose de sale, etc. Du coup, ça pousse les personnes à dissimuler, à porter un tabou autour des règles, et à dissimuler aussi leurs symptômes. Résultat, elles ne vont pas consulter et ça va aussi contribuer au retard du diagnostic.


  • Où en est cette thèse sur l'endométriose et la santé menstruelle chez les adolescentes? Qu'est-ce que tu as appris ?


[Laura Bollinger] La thèse se compose de plusieurs phases. Une première phase consistait à réaliser un état des lieux.

Nous avons interrogé à peu près 910 personnes, 760 femmes environ, jeunes femmes du coup, et 150 jeunes garçons.

On a interrogées les filles sur leur vécu par rapport aux règles, sur les douleurs menstruelles, puisqu'on ne parle pas vraiment d'endométriose chez les jeunes, plutôt de la douleur menstruelle, vu qu'il n'y a pas de diagnostic qui est posé. On les a interrogées sur leur vécu, sur l'impact de leurs douleurs menstruelles, sur leurs croyances, connaissances autour de tout ça. L'objectif était de faire un état de lieu sur la problématique ici en Alsace et dans le Grand Est. Ce qu'on a trouvé, c'est que les jeunes femmes sont largement concernées par les douleurs menstruelles. On a identifié 50,8% de notre échantillon qui ressentait des douleurs sévères. 70% des adolescents déclarent que leurs règles affectent assez, voire complètement, leur vie quotidienne. Et tous ces impacts sont influencés par un certain nombre de facteurs, dont tout ce qui est croyances autour des menstruations. Par exemple, une personne qui a vécu des moqueries ou du tabou autour des menstruations va avoir tendance à manquer l'école ou à éviter des événements sociaux, etc. Ça, c'est pour tout ce qui est plutôt santé menstruelle de manière générale. Après, pour l'endométriose, on a pointé ces croyances autour des menstruations, ce tabou, ce qui soulève ce besoin fort en termes d'éducation.





  • Il y a une polémique autour de l'éducation à l'affectivité relationnelle et à la sexualité à l'école, puisque le programme de l'Éducation nationale n'est pas encore validée, il y a des levées de boucliers de certains parents. Est-ce que l'endométriose, les règles douloureuses, font partie de ce programme actuel ou à venir ? Est-ce qu'on explique aux collégiennes, aux lycéennes, la réalité de ces règles douloureuses qui peuvent être de l'endométriose ?


[Laura] Actuellement, non. Mais il y a de premières initiatives dans les politiques publiques pour, justement, s'emparer de ces questions dans les programmes. C'est en cours et, normalement, va être mis en place à partir de 2025. Il me semble, à la rentrée prochaine en septembre 2025, si je ne dis pas de bêtises. C'est en train d'être mis en place, porté sur les règles, qu'est-ce qui est normal, qu'est-ce qui est plutôt anormal en termes de douleurs menstruelles, et tout ce qui est aussi tabou sur ces problématiques.



Sur le sujet de l'éducation à la sexualité, écoutez l'entretien de Yaëlle Amsellem-Mainguy

qui a participé à la rédaction du nouveau programme de l'Éducation nationale.


  • Dans le cadre de ta thèse, tu as tenté des actions de prévention en milieu scolaire, notamment en collège. Est-ce qu'on peut facilement organiser une séance d'information et de prévention en direction d'adolescentes dans les collèges d'Alsace ?


[Laura] C'est compliqué de libérer du temps pendant les cours, par exemple, de SVT, Sciences et Vies de la Terre. C'est ce qui a été fait en général quand nous intervenions pendant les cours de SVT. Les programmes sont déjà bien chargés, ce n'est pas évident de s'insérer là-dedans. Après, c'est quelque chose qui est faisable et qui a tout son intérêt. Et ça a été fait. Il y avait des séances mixtes et des séances qui concernaient seulement les filles.





  • Fabienne, avec EndoFrance, vous intervenez aussi dans les écoles, collèges, lycées. Ça se passe comment ? C'est facile, tout le monde accueille les bras ouverts des préventions, de l'information sur l'endométriose ?


[Fabienne] EndoFrance a des supports validés pour intervenir dans les établissements scolaires. On intervient surtout sur invitation d'un collège ou d'un lycée, pour la semaine du handicap ou la semaine des solidarités. On intervient aussi sur invitation par une CPE ou s'il y a une élève qui est particulièrement impactée par l'endométriose, c'est déjà arrivé. Ça se passe en général très bien. On est très bien accueillis et les réactions sont parfois surprenantes. Des fois, c'est même les garçons qui posent plus de questions que les filles.


  • De façon générale, au niveau de la santé des adolescents, des adolescentes, dans les collèges, il y a des infirmières scolaires, ça existe encore ? Il y en a une pour 12 000 enfants ? Est-ce que le système est prévu pour répondre aux soucis de santé des jeunes ?


[Fabienne] C'est difficile de se positionner là-dessus quand on n'est pas directement dans l'enceinte des établissements. Ce que je sais après être intervenue auprès des infirmières, c'est qu'elles ont beaucoup de travail et sont sursollicitées. Et souvent qu'il n'y en a qu'une ou qu'un seul, pour parfois des milliers d'élèves.


  • J'ai appris avec effarement que l'endométriose figure seulement depuis 2020 dans le programme des études de médecine.


[Fabienne] Oui, c'est vrai, malheureusement. 2020, c'est la date depuis laquelle les étudiants en médecine sont tous formés, auront tous entendu parler de l'endométriose. Ce qui veut dire que malheureusement,

pas un seul médecin actuellement sur le marché du travail n'a étudié l'endométriose pendant ses études

Donc tous ceux qui sont des grands spécialistes, experts, heureusement c'est leur intérêt personnel qui les a poussé à se former à cette maladie.


  • Alors que l'endométriose existe depuis l'Antiquité et qu'elle a été identifiée en 1860... on a quand même attendu quelques siècles, quelques millénaires peut-être même avant de s'emparer de ce sujet. Parce qu'il touche uniquement les femmes ? On ne meurt pas d'endométriose, mais on en souffre énormément. Quels sont les traitements qui existent ?


[Fabienne] L'endométriose est une maladie sensible aux hormones. À l'heure actuelle, le seul traitement, c'est de bloquer les hormones, c'est-à-dire empêcher que les règles n'apparaissent, empêcher de saigner. Donc en prenant un traitement hormonal type pilule en continu, parce qu'il ne faut pas saigner. on va diminuer les symptômes. Cela peut être sous forme d'une pilule ou alors d'un stérilet hormonal.


  • Mais il y a d'autres façons aussi de traiter, d'amoindrir les douleurs, notamment peut-être par la pratique physique et sportive


Oui, il existe ce qu'on appelle les soins de support qui vont aider à mieux vivre avec l'endométriose. D'abord, les soins de support recommandés par la Haute Autorité de Santé. C'est en premier lieu l'ostéopathie, ensuite c'est l'acupuncture et ensuite la méditation. La méditation regroupe la sophrologie, l'hypnose, l'auto-hypnose. Les soins de support également efficaces, c'est la kinésithérapie. La kiné n'est pas encore dans les recommandations, mais de nombreuses femmes sont soulagées par la kiné. Ça peut être aussi l'alimentation anti-inflammatoire qui va diminuer les troubles digestifs. Ça non plus, ce n'est pas démontré scientifiquement, mais de nombreuses femmes voient leurs troubles digestifs améliorés par une alimentation inflammatoire. Les autres soins de support sont l'électrothérapie, les TENS qui diminuent les douleurs. Les cures thermales également peuvent améliorer. Le yoga aussi, j'ai oublié. Le yoga est une discipline qui est recommandée par la Haute Autorité de Santé. Et enfin, pour rebondir après, l'activité physique adaptée permet d'améliorer les douleurs et de mieux vivre avec.


  • Justement, l'Université de Haute-Alsace, avec notamment Géraldine Escriva-Boulley, que nous avons interviewé sur ce sujet, développe un programme de recherche autour des souffrances de l'endométriose et de la meilleure façon de les atténuer.


[Nathalie Gavens] Oui, c'est Géraldine Escriva-Boulley à l'origine, elle participe à un projet Crescendo, qui promeut, observe, analyse l'impact de l'activité physique dans la gestion des douleurs de l'endométriose. Une grande partie du travail de notre collègue, qui co-encadre avec moi le travail de Laura, c'est de faire le lien entre des symptômes, une pathologie et les activités physiques qui peuvent réduire ou accompagner ces douleurs, ces symptômes.






  • Voilà quelques pistes pour moins souffrir. Quels conseils aux femmes, aux jeunes femmes qui peuvent éventuellement souffrir de règles douloureuses, ou d'endométriose ?


En premier lieu, se faire diagnostiquer, aller voir un médecin qui écoute la personne qui se plaint de ses symptômes, aller voir un médecin sensibilisé à l'endométriose et se faire diagnostiquer.


  • Il faut trouver un médecin qui sache que l'endométriose existe, puisqu'on a beaucoup de femmes qui ont souffert pendant 10 ans, 20 ans de l'endométriose avant d'être diagnostiquée. Le témoignage de Vanessa, une Colombienne atteinte d'endométriose qu'on peut écouter sur notre antenne, est édifiant. Elle a souffert pendant des années, tout le monde lui disait "mais non, tu n'as rien, c'est les règles douloureuses, c'est normal, les femmes ont mal, c'est comme ça depuis la nuit des temps..." De plus, on vient d'inventer en France, première mondiale, un test salivaire qui permet, a priori, de diagnostiquer de façon plus facile et sûre que des IRM pas toujours probantes. Ce test salivaire est peut-être au stade expérimental il coûte cher, 800 euros, mais qu'est-ce que c'est 800 euros face à la souffrance de toute une vie ? Les tests salivaires sont-ils la solution pour savoir de façon ferme, définitive, si on est atteinte d'endométriose ?


Le test salivaire est encore à l'étude. Il y a une étude qui est en cours dans le cadre du forfait innovation, où 2500 femmes ont accès à ce test, plus un autre échantillon de 22 000 femmes, je crois, qui auront accès à ce test remboursé par la Sécurité sociale. Après, c'est très prometteur, c'est vrai, et l'enjeu, je crois, pour les médecins, c'est d'arriver à placer ce test dans un bon arbre décisionnel de diagnostic de l'endométriose. Parce que si une échographie bien menée ou une IRM bien menée peut permettre de faire un diagnostic, très bien. Par contre, il est vrai que certaines IRM ne permettent pas de révéler des lésions très petites. Et dans ce cas-là, peut-être que le test salivaire pourrait apporter un diagnostic plus précoce. Voilà, c'est en cours d'étude pour l'instant.




  • La France est sur le haut du podium en matière de tests salivaires. Ça nous fait du bien que ce soit ici que ça se passe. Mais sinon... L'Université de Haute-Alsace s'empare du sujet, Endo-France essaie de répondre à des milliers de demandes chaque année. Et nos politiques, que font-ils, c'est aussi à eux d'agir ? Y a-t-il une prise de conscience de la gravité du sujet dans les actions gouvernementales ?


Oui, le président Emmanuel Macron a annoncé en 2022 la stratégie nationale de lutte contre l'endométriose. EndoFrance a d'ailleurs participé à des groupes de travail pour l'élaborer. Un budget de recherche a été attribué à l'endométriose. Des filières de soins sont en cours de constitution. Une filière de soins, c'est permettre aux femmes, dans chaque région, d'avoir un centre de référence où se faire suivre, avoir un annuaire de professionnels de santé formés. Les filières de soins sont en cours de construction dans les régions. C'est un grand espoir, surtout pour toutes les femmes touchées par l'endométriose, parce qu'enfin, l'endométriose était reconnue comme étant une maladie qui méritait une stratégie.


  • Et localement, nos élus en municipalité par exemple, peuvent aussi agir. On a des exemples locaux d'élus qui accompagnent positivement des actions de prévention, d'information autour de l'endométriose ?


Dans le Haut-Rhin, je dois citer la ville de Colmar qui s'est très investie en 2024 et encore en 2025 dans la sensibilisation et l'information à l'endométriose. La semaine prochaine, mardi 25 mars 2025, aura lieu l'inauguration du troisième EndoPank. Ce sont des bancs jaunes qui ont pour but de sensibiliser à l'endométriose parce que ce banc est peint en jaune, comme le symbole de la maladie. Et puis, il y a une petite plaquette à poser sur le banc avec un QR code qui renvoie au site www.endofrance.org où on peut avoir tous les renseignements sur la maladie. C'est une mine d'informations. La ville de Colmar s'est énormément investie, la semaine prochaine, le troisième banc sera inauguré.


  • À Mulhouse aussi, on veut des bancs jaunes avec des QR codes pour en savoir plus sur l'endométriose. Cette maladie millénaire identifiée il y a peu et qu'on étudie en médecine depuis 2020 seulement... n'est-ce pas là le symbole d'une société patriarcale ? Si l'endométriose concernait les hommes, est-ce que la situation serait la même ?


C'est une bonne question qui mérite, comme toutes les questions, d'être étudiée à l'éclairage de la science. Ce serait un très beau projet de thèse pour un chercheur en sociologie, par exemple, pourquoi pas aussi en sciences de l'éducation, sur la formation justement des jeunes garçons, des jeunes femmes, des parents à leur santé, pourquoi pas.


  • Et l'histoire de l'endométriose depuis l'Antiquité est déjà écrite ? Sait-on comment ça s'est passé, comment ça a été traité dans les temps anciens ? C'est encore un mystère et ça nécessite une autre thèse ?


Certainement, ou en tous les cas, ça pourrait faire partie de la même, c'est-à-dire de comprendre aussi tout le cheminement. C'est bien ça l'histoire, d'étudier tout le cheminement d'un événement pour mieux en comprendre l'aboutissement ou la façon dont il se déclare au moment où on l'observe ou on le vit. C'est un questionnement, mais je pense que si on se posait la même question sur des maladies qui concernent aussi typiquement les hommes, c'est aussi toutes les questions qui portent sur des minorités. On ne peut pas vraiment parler de minorité dans le cas des femmes touchées par l'endométriose, mais en tous les cas, des maladies, des pathologies qui sont peu médiatisées, le fait d'en parler aussi va porter l'intérêt de la communauté et notamment des scientifiques sur la question.





  • Quelques ressources pour aller plus loin, en savoir plus.


[Fabienne] En premier lieu, on peut citer le site d'EndoFrance, www.endofrance.org une mine d'informations. On peut aussi citer la chaîne YouTube d'EndoFrance, sur laquelle il y a énormément de vidéos très instructives. Et enfin, pour les adolescents, comme on en parlait tout à l'heure avec Laura, il y a un livre, la BD, l'Endométriose de Clara, qui explique de façon simple et amusante, sous forme de BD. L'endométriose chez les jeunes.


  • Oui, et si les règles sont taboues, il existe un livre, "Ceci est mon sang. Petite histoire des règles, de celles qui les ont et de ceux qui les font" de Élise Thiébaut aux éditions La Découverte et qui permet peut-être de s'emparer d'un sujet dont on ne parle presque jamais.





  • On a aussi des articles sur le site The Conversation: L'endométriose chez les adolescentes, une prise en charge précoce est nécessaire, un article signé Laura Bollinger, Géraldine Escriva-Boulley, Nathalie Gavens. On a de la chance, on les a sur ce plateau de "L'endométriose, parlons-en". Vous pourrez retrouver des ressources liées à l'endométriose sur notre site accompagnant ce podcast. Merci beaucoup à toutes.








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