L'écologiste Loïc Minery était tête de liste de l'union de la gauche aux dernières élections municipales à Mulhouse en 2020. Il préside "Mulhouse Cause Commune", le groupe d'opposition municipale de gauche. À un peu plus d'un an du prochain rendez-vous électoral local, rencontre au milieu d'une foule sociale et solidaire. Transcription d'une interview radio (à écouter ici) réalisée par Jean-Luc Wertenschlag pour l'Alterpresse68, Radio Quetsch et Warum Net Experience.
[JLW] Nous sommes le 25 novembre 2024, nous nous gavons de crémant et de petits fours avec Loïc Minery, le leader des dangereux gauchistes de Mulhouse. Mais qu'est-ce que tu fais là, la bouche pleine ?
[Loïc Minery] Je suis ici à une journée de conférence sur la thématique de l'économie sociale et solidaire dans le cadre des 10 ans de la loi de l'ESS. L'université de Haute-Alsace, notamment la chaire ESS et le campus Fonderie sont très dynamiques sur ces questions-là. Je viens aussi profiter de tout ce qu'ils nous apportent. J'assiste régulièrement à leurs journées de conférences et autres événements, ça me fait plaisir de venir les rencontrer, de voir aussi qui sont aujourd'hui les acteurs de l'économie sociale et solidaire sur le territoire mulhousien, quelles sont leurs envies, quelles sont les attentes de ces structures.
La loi sur l'économie sociale et solidaire de 2014 sert-elle à quelque chose ?
En France on adore faire des lois, mais la loi ESS de Benoît Hamon 2014, beaucoup disent qu'elle ne sert à rien, si ce n'est son côté symbolique. Est-ce que cette loi sert à quelque chose ?
[Loïc Minery] C'est toute la question, à un moment donné, du fait de poser ou non des contraintes en matière de régulation du système économique en place. C'est vrai que l'ESS compte un peu comme peau de chagrin dans le champ économique global. Il s'agirait, ne serait-ce que localement, de valoriser toutes les actions qui font du bien socialement, qui font du bien à la planète et qui ont du sens parce que ça fait marcher le tissu local des entreprises. C'est clair qu'il faudrait que la loi soit musclée à ce niveau-là, qu'on puisse franchir un cap sur des dispositions plus contraignantes en matière d'économie sociale et solidaire, sur la valorisation notamment des emplois. des emplois des personnes actuellement éloignées du marché de l'emploi, sur le fait qu'on soit davantage porté sur l'inclusion, sur le fait aussi de cibler des secteurs qui concernent la transition écologique et la réutilisation des matériaux, etc. Il faudrait aussi agir sur des leviers comme la baisse de la TVA et autres. Et là, on aurait des mécanismes incitatifs qui feraient sans doute la bascule et qui permettraient à davantage de gens de se sentir concernés par l'économie sociale et solidaire.
On a besoin d'instances pour engueuler directement nos élus, où on peut les interpeller, en direct
Faut-il en finir avec la démocratie participative ?
[Loïc Minery] Vaste question. En tout cas, je pense que la démocratie a besoin d'un nouveau souffle. Aujourd'hui, en France, on voit bien qu'on est à bout de souffle, justement. Et on a besoin de mécanismes de démocratie directe, d'interpellation, de délibération. On a besoin que les gens se rencontrent, d'espaces pour débattre, même sur le net, pour s'emparer de propositions citoyennes - ou pas, d'ailleurs - qui concernent les affaires municipales. Qu'on puisse, à un moment donné, travailler sur cette matière-là, détricoter, faire de nouvelles propositions, soumettre au vote. C'est ce que fait, peut-être un peu de manière embryonnaire, l'Agence de la participation citoyenne, mais il y a besoin de bousculer un peu le cadre. Il y a besoin aussi de revenir vers les gens, de remettre au goût du jour des réunions publiques dans un format nouveau, je pense qu'aujourd'hui ça s'est perdu, ça n'existe plus. On a besoin d'instances où on peut directement engueuler nos élus, où on peut les interpeller, en direct. À part des événements un peu chauds au Rebberg, finalement ce n'est qu'au Rebberg qu'il y a eu de vraies réunions publiques sur ce mandat, c'est assez symptomatique.
Oui, plongeons dans l'histoire de Mulhouse pour comprendre le Rebberg. On termine avec la prochaine échéance électorale véritablement importante, les élections municipales de mars 2026. Qu'est-ce qui se passe ? La campagne électorale a commencé, le RPR, pardon, les LR (Les Républicains) locaux se déchirent, est-ce que la gauche va réussir à se diviser ? On en est où, Loïc Minery, chef de l'opposition de gauche au conseil municipal ? Comment se prépare cette élection municipale ?
[Loïc Minery] Déjà c'est un marathon! Étape par étape, on doit poser des jalons pour 2026 et je pense que nous en tant qu'élus on a déjà fait le job, c'est-à-dire qu'on s'est entraînés véritablement à prendre les responsabilités. C'est un travail de fond sur les dossiers, d'interpellation des élus en place, de relais des préoccupations des habitants de Mulhouse. Mais globalement, nous ce qui nous anime, c'est évidemment la volonté de construire, je vais le dire comme ça, une top team pour Mulhouse. Demain, on doit avoir des gens qui, une fois arrivés aux responsabilités, soient prêts à engager les grandes transformations dont on a besoin. Évidemment, on ne pourra pas renverser la table d'un claquement de doigts, mais il faudra qu'on soit opérationnels tout de suite. Et donc on doit le faire en construisant avec des gens de bonne volonté, avec effectivement les partis politiques. qui ont toute leur place à gauche. La démarche doit être unitaire, on doit parler la langue de l'union de la gauche et des écologistes, mais on doit s'ouvrir à toutes les bonnes volontés, à tous les gens qui ont envie de transformer Mulhouse, qui partagent bien sûr nos valeurs à gauche, des transformations sociales, d'équité, de justice sociale et environnementale. Et à partir de là, on essaie de se dépasser, de se dire qu'on va chercher des objectifs, que ce soit sur un ou deux mandats, à l'agglomération, à la ville, pour plus de justice sociale, pour plus de projets qui font sens, pour l'ensemble des habitants, à l'écoute de toutes les mulhousiennes et de tous les mulhousiens, et ne plus se cantonner à certaines catégories de population.
Relancer l'extension du tramway vers Kingersheim et Wittenheim
Ça peut être important aussi de rassembler des gens de mauvaise volonté... Mais sinon, en terme de grand projet, qu'est-ce qui peut rassembler le peuple mulhousien pour les années qui viennent ? Pour quoi faut-il se battre ?
[Loïc Minery] Quelque chose, à mon avis, qui parle à tout le monde, c'est la question du déplacement, et notamment de la relance du projet de tramway, vers Wittenheim. Je pense que c'est un projet emblématique, qui aujourd'hui est en train de prendre la poussière. On a besoin de ce genre de projet qui, certes, coûte beaucoup d'argent, mais participe à la mise en relation, à la mise en lien des habitants de notre territoire. Et donc, on doit défendre ça, on doit être moteur pour reconnecter les différentes parties de l'agglomération, favoriser les déplacements doux pour l'ensemble des habitants, pour aussi favoriser le commerce mulhousien, le commerce local dans les bourgs. C'est un projet profondément transformateur, un grand projet qui fait du sens.
Un projet qui peut réunir la droite, la gauche, l'extrême droite et la gauche radicale. Tout le monde peut être d'accord là-dessus.
[Loïc Minery] Non, pas forcément, parce qu'aujourd'hui le centre et la droite bloquent, freinent tout projet d'extension du tramway. En tout cas, ils ne veulent pas y aller franchement. Mulhouse n'a jamais défendu, dans ce mandat, ces dossiers à l'agglomération, et notamment la question du transport public. Aujourd'hui, qui a fait en sorte que dans la nouvelle délégation de service public attribuée à Soléa, on ait des fréquences de tram à 20 minutes le soir ? C'est nous, si on n'avait pas réitéré cette demande constamment, on serait encore à des fréquences de 35 minutes le soir et même pas de correspondance entre le dernier TGV et le tramway du soir. Alors nos actions ne sont pas toujours spectaculaires, mais se construisent dans la durée. Après, il y aurait plein d'autres exemples, notamment axer plus sur le vivre ensemble à l'échelle mulhousienne. Mais ça, j'en préserve la primeur aux mulhousiens.