Les musiques du monde dans le Grand Est : état des lieux et dynamiques collectives
- Jean-Luc Wertenschlag
- 1 janv. 2025
- 39 min de lecture
Dernière mise à jour : 16 juin
Quels points communs entre les acteurs ? Comment parler des musiques du monde, les donner à voir, à comprendre et à écouter au sein de la filière ?
Transcription de l'enregistrement de la conférence "Les musiques du monde dans le Grand Est" le mardi 27 mai 2025 à 15h15 à l'Espace K dans le cadre de Strasbourg Music Week.
Présentation de la conférence et des intervenant-es : https://strasbourgmusicweek.eu/espace-pro/programme-strasbourg-music-week/les-musiques-du-monde-dans-le-grand-est-etat-des-lieux
Écouter la conférence : https://podcast.ausha.co/wne/smw27052025musiquesdumonde

Qu’elles soient « savantes » ou populaires, sacrées ou profanes, traditionnelles ou actuelles, les musiques du monde viennent interroger notre rapport au monde et à nos territoires. Se croisent au sein de cette esthétique nos cultures, nos langues et nos espaces. Ces musiques occupent donc une place singulière dans notre secteur. Ayant leur propre logique de création et de diffusion, elles interrogent la diversité et l’expression des droits culturels sans renier sur l’exigence artistique. Hélas, par méconnaissance ou présupposés, elles peuvent parfois être dénigrées ou invisibilisées. Il est donc important d’accompagner les acteurs des musiques du monde sur les territoires.
Avec
Abdi Riber (curateur - FR) Direction - Programmation La Saline à Soultz-sous-Forêts
Mylène Castelain (FR) Animatrice réseaux Fédération Grabuge
Sébastien Laussel (FR) Zone Franche, le réseau des Musiques du Monde
Fawzi Al-Aiedy (Irak) Artiste
Sylvain Dartoy, Gérant Wax Booking
Ninon Valder (Fr) Musicienne

Abdi Riber
Je crois qu'on a passé 15h15, on va pouvoir débuter notre temps d'échange. Un grand merci à vous tous et toutes d'être venus ici. Merci à Strasbourg Music Week, merci aux Alsaciens, aux gens du Grand Est et merci encore plus aux gens qui ne sont pas de la région et qui ont pris l'avion, le train, la voiture pour venir à nous. Je me présente, je suis Abdi Riber chanteur, musicien, compositeur, également chargé de diffusion. Pendant une quinzaine d'années, j'ai occupé ce poste d'abord en indépendant puis au sein de Giro Musique qui est producteur, membre du réseau Zone Franche et du RIF, le pendant de Grabuge en Ile-de-France. Une structure qui est très impliquée dans la production de spectacles, dans les musiques dites du monde. À la fois en France et à l'international. Et depuis trois mois maintenant, j'occupe le poste de direction et programmation d'un théâtre dans le Grand Est de la France, à Soultz-sous-Forêts. Je suis très heureux d'être là. Les musiques du monde dans le Grand Est sont un des lieux des dynamiques collectives. Quel est le point commun entre les acteurs ? Comment parler des musiques du monde, les donner à voir, à comprendre et à écouter au sein de la filière ? Je suis très heureux d'être entouré de non pas un, ni deux, ni trois, ni quatre, mais cinq fantastiques. Mylène Castelain, chargée d'animation et communication à la Fédération Grabuge, la fédération des musiques actuelles du Grand Est, dont l'objet est de mettre en relation les acteurs sur le territoire, mettre à disposition des ressources utiles aux acteurs, aux actrices, impulser, coordonner les projets régionaux, transfrontaliers, les missions principales de Grabuge. En quelques chiffres, Grabuge représente une centaine d'adhérents, des salles, des artistes, des producteurs et des labels. Bienvenue Mylène et merci d'être là. Ninon Valder, musicienne française aux multiples facettes, flûtiste, bandonnéotiste, chanteuse, compositrice, autrice. Elle explore les passerelles entre les musiques argentines, jazz, musique du monde et poésie sonore. Son parcours atypique l'a mené à vivre 7 ans en Angleterre. et 7 ans en Argentine, façonnant ainsi une identité artistique profondément métissée. Sylvain Dartoy, el Magnifico, gérant de Wax Booking, passionné par les cultures africaines, entrepreneur, voyageur infatigable et cofondateur de Wax Booking en 2010. Sylvain Dartoy se consacre depuis à la production artistique. Son idée maîtresse est de présenter l'Afrique, sa résonance dans le monde. dans toute sa diversité et sa modernité. Merci Sylvain d'être là. Fawzi Al-Aiedy, artiste, originaire d'Irak et vivant en France grâce à sa double formation de musiques classiques arabes et occidentales. Fawzi s'inscrit dans une dynamique de création et consolide le pont entre Orient et Occident. Il fut un des précurseurs de la world music orientale dans les années 80, puis de l'oriental jazz dans les années 90. Et Sébastien Laussel, directeur de Zone Franche, le réseau des musiques du monde, qu'il a dirigé durant plus d'une dizaine d'années, rassemblant des structures sociales et culturelles, issues de l'éducation populaire, avant de créer sa propre société de production, Prestacle Prod. Zone Franche, c'est le réseau des musiques du monde, présent sur plusieurs continents. Il rassemble toutes les catégories d'acteurs du secteur. les festivals, les salles, les labels, les éditeurs, les artistes également, les médias, les associations culturelles. Zone Franche est engagée dans la défense de la diversité culturelle, la libre circulation des artistes et toutes les valeurs qu'on a hâte de pouvoir défendre. Pour commencer ce débat autour des musiques du monde, évoquons le terme de "musiques du monde" versus "sonos mondiales", "musiques enracinées", "world beat"... Est-ce général, est-ce franco-français, est-ce important déjà de définir correctement cette esthétique-là, ou est-ce anecdotique ? Sébastien ?
Les musiques du monde ne sont pas une esthétique musicale. C'est un archipel ou une constellation, suivant si on préfère la mer ou les étoiles
(Sébastien Laussel)

Sébastien Laussel (Zone Franche)
Je ne vais pas répondre à toutes ces questions, je ne sais pas si c'est anecdotique, en tout cas c'est presque systématique qu'on pose la question. En même temps, ce n'est pas illogique, puisqu'il y a différentes assertions, projections et définitions du terme. Si on parle world, c'est déjà quelque chose, si on parle de musiques du monde, c'est autre chose, etc. Donc moi, je vais parler de l'endroit qui m'intéresse, c'est-à-dire de Zone Franche, et de la définition que l'on donne des musiques du monde au sein de Zone Franche. Une définition qui est finalement assez bien matérialisée dans la charte des musiques du monde qu'a écrite le réseau. Le réseau est né en 1990, la charte a été préfigurée en 1999 et a été rédigée officiellement et publiée en 2001. On y voit déjà une chose, c'est que les musiques du monde ne sont pas une esthétique musicale. J'aime à dire que c'est un archipel ou une constellation, suivant si on préfère la mer ou les étoiles. J'étais récemment sur une table ronde à la Philharmonie autour du sujet des musiques du monde, justement, et qui était sous l'ombrelle de Glissant et qui parlait beaucoup d'archipélisation. Donc, gardons le terme archipel, un archipel d'esthétique musicale qui va de l'Asie à l'Afrique, à l'Amérique latine, y compris à l'Europe. Parce que j'ai un scoop, il y a des musiques du monde françaises et européennes, ça s'appelle les musiques corse, bretonne, irlandaise, le flamenco, le rabbitico, tout ce qu'on veut. Donc déjà, cette dichotomie, Occident ou Europe, monde, n'existe pas, les musiques du monde sont bien celles du monde entier. Pour évacuer le terme, on part de ces noms-là, ce n'est pas une esthétique, etc. Mais c'est avant tout ce qui est formalisé dans la Charte des musiques du monde. Ce terme-là, et le fait de faire réseau autour de ce terme-là, c'est parce qu'avant tout, on défend un socle de valeur, qui se détermine par plusieurs aspects. D'abord, la défense et la promotion de la diversité culturelle, je vais y revenir, la promotion de la libre circulation des artistes, du patrimoine culturel et matériel et des droits culturels pour choper quatre valeurs. Lorsqu'on parle des musiques du monde, que dit-on ? Lorsqu'on parle de musique, on parle d'une forme d'art qui elle-même fait partie de la culture, mais on va dire au sens anthropologique du terme, pas au sens de la profession. La culture étant un ensemble de signes, donc les arts font partie. Les vêtements en font partie aussi, l'alimentation en fait partie aussi, un certain système de valeurs religieuses ou mystiques ou que sais-je. Il y a plein de traits qui fondent une culture. Et la musique est un de ces traits qui fonde cela. Lorsqu'on parle de musiques du monde, on parle de ces cultures-là, des musiques, des cultures. C'est pour ça que parfois je précise un peu le terme diversité culturelle. Grosso modo, ça veut dire diversité des cultures, voilà ce qu'on est.
Abdi Riber
Merci Sébastien. On se tourne vers Mylène pour essayer de faire un état des lieux, sur la typologie des adhérents et la place actuelle des musiques du monde dans la région. Quels sont les acteurs identifiés, quelles sont les dynamiques qui se créent, comment définir cela ?
Mylène Castelain (Grabuge)
Au niveau de Grabuge, on a un certain nombre d'acteurs des musiques du monde, mais on ne les touche pas tous encore. Je vais commencer par poser le schéma. L'idée aussi aujourd'hui, c'est peut-être de faire cet état des lieux pour que nous puissions travailler et creuser un peu ces esthétiques. Sur nos adhérents dans la région, par contre, on a un peu toutes les typologies, des artistes, des structures de l'entourage, des diffuseurs. Par diffuseur, j'entends aussi des salles qui diffusent beaucoup de musiques du monde, des festivals aussi. On touche à peu près tous les types de typologies. Par ailleurs, ce ne sont pas les esthétiques les plus représentées. Donc c'est aussi l'idée, de pouvoir creuser la question avec des acteurs qui, on l'espère, pourront peut-être à la suite d'aujourd'hui s'investir sur ces questions.

Abdi Riber
Et au niveau de Zone Franche, est-ce que la région Grand Est est bien représentée par rapport aux autres grandes dynamiques nationales ?
Sébastien Laussel (Zone Franche)
Peu. Pour décrire très rapidement Zone Franche, c'est un réseau multi-acteurs. C'est-à-dire qu'on y retrouve un peu comme à Grabuge de tout, des salles, des festivals, des salons professionnels, des producteurs, des labels, des attachés de presse, etc.
Le réseau a 235 membres. C'est une association de droit français, mais c'est un réseau à dimension internationale, puisqu'on a plus de 15% de nos membres qui ne sont pas français.
On a un bon socle de membres sur le continent africain, sur une douzaine de pays différents, pas loin d'une trentaine de membres. Et puis, de ci, de là, un petit socle au Québec, un petit socle en Belgique, et puis, de manière très épars, un membre en Turquie, un membre en Arménie. Grosso modo, si on doit décrire l'espace sur lequel on est, je dirais que c'est principalement l'espace francophone. La majorité des membres sont français. Suivant les régions, c'est plus ou moins dense. La région Grand-Est est une des régions peu dense en terme de membres, ce qui ne veut pas dire que c'est peu dense en termes d'acteurs. D'où aussi l'idée de cette table ronde du jour, à partir de l'enquête Café Grabuge, à partir de la connaissance de la filière dont on sait qu'il se passe des choses, et beaucoup de choses sur le Grand Est. Comment structurer, quoi proposer à ces acteurs-là pour renforcer leur capacité d'action, leur capacité aussi de se faire entendre, de se faire reconnaître, être dans des endroits comme peut l'être Zone Franche, sur les salons professionnels dédiés aux musiques du monde et d'autres. Ce que peuvent apporter les réseaux aux acteurs en termes de structuration, c'est peut-être qu'il n'y a pas de besoin, c'est pour ça qu'il n'y a personne, mais j'en doute. Voilà, d'où l'intérêt de la réflexion du jour.
Abdi Riber
Merci. Donc, effectivement, il y a une enquête qui a été publiée, qui a invité les acteurs à s'identifier et à renseigner à quelques questions. Tu peux peut-être nous en parler ?
Mylène Castelain
On a lancé une enquête au centre Grabuge qui a été relayée par un certain nombre d'acteurs. Et merci, d'ailleurs, si vous en faites partie, par aussi la région, par des fédérations, etc. Donc, l'idée, c'était de faire l'état des lieux à partir de questions simples, de savoir qui sont les acteurs, quelle typologie, structure, artiste, entourage aussi, de savoir les problématiques, comment les acteurs se sentent dans la région considérée. Des questions aussi, quel salon pro, quelle structure était clé pour eux, pourquoi ils allaient sur ces temps, ces conventions, ces salons pros, par exemple. Quels étaient les besoins, les problématiques, pour peut-être avancer sur cette question de structurer les musiques du monde dans la région. Notre rôle aussi au sein de Grabuge, c'est de pouvoir aider à la structuration de la filière en général, donc des musiques du monde notamment.
Abdi Riber
Je me tourne maintenant vers Sylvain, parce que la parole d'un producteur est très précieuse dans cette démarche-là. Comment s'organise l'activité d'une agence comme la vôtre, qui est tournée vers la modernité, sans oublier la diversité, le caractère aussi enraciné des musiques ? Comment se passe le rapport avec les partenaires, avec la création, également avec les artistes et in fine avec le public ?

Sylvain Dartoy (Wax Booking)
Techniquement, il y a des bases, un bureau de production, sur des esthétiques musicales, d'ancrage, issu des musiques du monde. Techniquement il y a les mêmes mécanismes, après c'est vraiment les difficultés qu'on va devoir dépasser. Le premier enjeu qui rejoint notamment les fondamentaux de Zone Franche, c'est la mobilité. Produire un artiste, une artiste issue par exemple d'une culture matrimoniale du Cameroun, on connaît les mécanismes, on sait produire en ingénierie, on a une équipe pour, on a tout ce qu'il faut, mais après il y a des paramètres de mobilité. Le premier enjeu, hors espace européen, le premier levier, ça va être de passer au-dessus de ça, au-dessus ou à travers, ça dépend comment on voit les choses. En tout cas, il faut déjà sortir...
Abdi Riber
Le rapport au partenaire, également le rapport à la création.
Sylvain Dartoy (Wax Booking)
Bon, la création, le rapport à la création, il est, encore une fois, technique, donc c'est technique au niveau des esthétismes. Un bureau de production qui est vraiment investi en production sur les musiques d'ancrage culturel traditionnel ou d'ailleurs, là il y a un vrai enjeu déjà de pouvoir parler d'esthétisme musical et de décloisonner du terme musiques du monde. Il faut déjà être bien compris, il faut être technique dans la façon dont on présente les projets, parler vraiment de style de musique. C'est le premier obstacle. Par exemple, j'ai un roster dédié aux cultures africaines d'hybridation, principalement en musiques actuelles. Premier truc, j'ai beau le dire, j'ai beau expliquer les styles de musique qu'on défend, je ne sais pas moi, punk hardcore, electro avant rock ce qu'on veut, et bien non, c'est l'Afrique donc Paf !
Il faut lutter contre les représentations que l'on a nous-mêmes, les choses qui viennent de notre propre éducation, de ce que l'on est, de là où on est né. Il y a des représentations déjà européano-centrées.
Il faut déjà aller au-delà de ça, ce n'est pas simple. Et puis, il y a tous les imaginaires, les imaginaires folkloristes, etc. Mais là, c'est quand on s'adresse aux professionnels. Je parle des gens qui sont techniquement concernés par faire des choix de programmation. Déjà, il faut réussir à passer ce premier obstacle en étant très exigeant dans la classification technique, dans l'explication, mais on part avec un peu de handicap.
Abdi Riber
Et c'est peut-être là que le fait d'être membre d'un réseau comme Zone Franche peut avoir une spécificité. Quel est le rôle d'un producteur au sein d'un réseau comme Zone Franche ? Qu'est-ce qu'on pourrait en attendre, recevoir ?
Sébastien Laussel (Zone Franche)
Mais en fait, on n'attend rien, on adhère à des valeurs. Si on fait du réseau tant mieux, mais la première chose quand on adhère à un réseau, une fédération, on adhère à des valeurs, à un ancrage territoriale pour Grabuge au moins. Moi je suis Grand Est donc forcément très impliqué en création musiques actuelles donc j'adhère à Grabuge et puis j'adhère aux valeurs de Zone Franche. Je pense que le mal, la maladie de l'associatif aujourd'hui c'est d'attendre quelque chose chose de spécifique. Qu'est-ce qu'ils vont faire pour moi, qu'est-ce que tu vas faire pour eux, quand on adhère à un réseau. Qu'est-ce que je vais faire pour eux, est-ce que ça correspond à mes valeurs ?
Abdi Riber
Merci. Je me tourne maintenant vers Ninon et Faouzi. Merci à vous, les deux artistes, d'être avec nous cet après-midi. Quand on se penche un peu sur votre parcours, moi, quand je me suis penché, j'ai été frappé du spectre large de vos activités, de vos... de vos actions, de vos productions, tant sur le fond que sur la forme. On touche à beaucoup d'esthétique, on touche à beaucoup de styles. Il y a bien sûr la musique, il y a aussi le spectacle, la radio. Est-ce que ce sont des choses qui avaient été imaginées ? Ça avait été une réflexion ou c'est venu comme ça, comme le cool ?

Ninon Valder
bonjour à tous pour répondre c'est un parcours d'artiste moi je ne peux pas dire qu'il y a quelque chose qui peut être prémédité, ça suit un besoin à un instant précis de connaissances, de vies, de partages, de créations de musique qui moi me permet d'être bien et que j'ai envie de partager. Et effectivement, j'ai un parcours qui est très vaste, qui part du sud de la France, qui va vers... l'Angleterre, l'Argentine, ici, maintenant, dans le Grand Est. Mais peut-être ce que je veux dire, moi, je suis le fruit aussi de toute une éducation qui a été faite en France, où on a accueilli depuis très longtemps les musiques du monde et le monde. Et c'est ça qui donne, à un moment donné, une envie. C'est simple d'aller vers le monde en tant qu'artiste. Moi, je suis formée dans des conservatoires. mais je viens du sud de la France, donc l'Occitanie. Donc j'ai fait des bals folk. J'adorais danser dans les bals folk. J'ai fait de la vie à la roue, j'ai fait danser des gens, j'ai fait du fif. Je pouvais aussi faire du clavecin, j'ai essayé le clavecin. Et à un moment donné, de toute cette joie de la musique dans toute cette phase de l'enfance et d'une formation, peut-être jusqu'à l'adolescence, naissent peut-être des graines que j'ai tirées ensuite dans le monde et qui m'ont permis ensuite de jouer avec des grands Africains à Paris à la fin des années 90, c'est-à-dire Céry Dobayon, C'est Paco Céry, Étienne Bappé, Mokhtar Samba. C'est vraiment toute une dynamique. Et je ne sais pas le décrire, sinon comme ça. Et après, moi, une envie d'apprendre encore plus. Donc, je suis partie en Angleterre, j'ai découvert. Voilà, d'un coup, il y a des gamins de 14 ans, ils font un accord de guitare et on fait. Ah, ils ont compris un truc. J'étais incapable de faire ça. Moi, j'ai une formation de musique classique, donc j'ai aussi un parcours de classique. Je vous raconte ça parce que je pense qu'il y a beaucoup de gens qui peuvent se retrouver à l'intérieur de ça. Je suis aussi ingénieur du son, j'ai fait le lumière. On a une possibilité de choix et de créer notre chemin ici, qui est incroyable. Ensuite, la musique argentine, c'est l'ouverture du cœur, la tête, ici, elle nous sert. Il faut absolument penser en Argentine. On pense trop que ça ne marche pas. Si on n'a pas le cœur ouvert, si on n'est pas capable d'écouter différemment, ça ne fonctionne pas. Et finalement, retour en France. Avec tout ça à partager, ce qui donne beaucoup de choses différentes dans la manière dont ça va émaner. Et pour rejoindre ce que disait Sylvain, moi je dirais, je n'attends pas que le monde me dise ce que j'ai à faire. Je crée en fonction de là où il y a des possibles. et comment est-ce qu'on tire ces possibles, et comment on participe à des réseaux, et comment est-ce qu'on se nourrit les uns des autres. Et voilà, c'est ce que je vous souhaite à tous, dans les musiques du monde, de réussir à exprimer cette graine sacrée qu'on a à l'intérieur de nous. Et je suis ici aujourd'hui aussi pour la rendre visible, toutes ces graines magnifiques qui poussent un peu partout, aussi dans le Grand Est. Ce n'est pas parce qu'on ne les voit pas qu'elles n'y sont pas.
Abdi Riber
Merci. Et Fawzi ? Même question, entre les très nombreux albums, les productions de spectacles pour enfants, l'Irak aussi, est-ce que tout ça, c'était quelque chose qui avait été le fruit d'une réflexion de départ et qui a été développé ou ça s'est construit au fil de l'eau, comme dit l'on ?

Fawzi Al-Aiedy (Irak) Artiste
Bonjour à tout le monde. On est absolument ravis de vous voir si nombreux. Avant de parler de mon parcours, sachez que moi et Abdi, on s'est rencontrés il y a exactement un an. Et Abdi m'a dit, Fawzi, voilà ce que je rêve, construire une sorte de collectif, ici dans le Grand Est, pour servir tous les artistes qui habitent dans ce territoire magnifique. L'idée est née en fait comme ça. Et Abdi me dit, peut-être qu'il y aura seulement cinq personnes qui vont venir nous écouter. Et tout à l'heure, je lui dis, la salle est là et on est ravis de vous voir. C'est important pour nous. Aujourd'hui, on est tous les deux vraiment ravis qu'on puisse construire ensemble quelque chose d'important. et merci de me donner la parole. Je suis né en Irak et je ne sais pas pourquoi. Je suis quelqu'un qui est né musicien. Je le savais. Mais j'ai eu une chance, en fait. Depuis le départ, j'avais une chance. J'ai toujours suivi ma chance. J'ai quitté mes parents à 14 ans pour aller à Bagdad étudier la musique. C'est un rêve, en fait. Mais une fois rentré à l'institut de Bagdad pour étudier la musique, et bien j'en ai pris vraiment plein la gueule chez moi. L'apprentissage de la musique est difficile, il faut travailler très bien, il faut travailler. On m'a donné un hautbois, je n'avais jamais vu de hautbois de ma vie. Je viens d'une famille modeste, mes parents ne sont absolument pas musiciens, il y a aucun musicien dans ma famille. J'étudiais le hautbois et en même temps, j'étudiais aussi la musique irakienne, les mac am, le mode, le oud, parallèlement et voilà j'étais destiné de venir une beauice l'orchestre philharmonique de l'Irak. C'est exactement le but de cette affaire. En 1968, Saddam Hussein a fait un coup d'État. Et moi, je devais aller faire mes études musicales en Pologne. Mais il a interdit à tous les Irakiens de quitter l'Irak. Donc j'étais obligé de faire l'armée. Une fois à l'armée, mon rêve de musicien est tombé à l'eau. Et après, j'ai décidé absolument de m'exiler parce que j'ai appris que je ne pourrais rien faire dans ce pays. Ce pays n'est pas pour moi. Il faut que je parte quelque part. Où ? Je ne sais pas. Il y a une chose qui m'intéressait beaucoup. Je lisais Arthur Rimbaud parce qu'il était traduit en arabe. Comme je l'ai beaucoup aimé, e me suis dit je vais au pays d'Arthur Rimbaud. Mais c'est où ce pays ? C'était la France.
Je suis arrivé le 6 septembre 1971 à Paris. Je ne connaissais absolument pas le français, je ne connaissais pas Paris, je ne connais absolument rien.
J'ai fait le conservatoire, le hautbois classique pendant six ans. J'ai étudié en même temps la guitare classique parce qu'il n'y a pas d'études de hautbois. Pour améliorer mes doigtés sur le oud, c'est comme ça que j'ai commencé. Une fois mes études finies, six ans plus tard... La question était sérieusement posée, qu'est-ce que je dois faire pour être musicien traditionnel ou musicien classique dans un orchestre? J'ai joué dans un orchestre deux ans, au hautbois classique, mais j'ai senti que ce n'était pas pour moi. C'est une musique qui est destinée à d'autres gens, mais pas pour moi. J'ai donc choisi un schéma difficile, mais que je revendique. et je le revendique jusqu'à maintenant. C'est que, comme toi, je voulais faire la création. Pourquoi la création ? Moi, je ne suis pas venu vivre en France. Je suis venu tout à fait par hasard pour étudier, retourner en Irak. Et le destin en a décidé autrement. Et à partir du moment où j'ai décidé de rester en France, j'ai cherché par tous les moyens de faire un pont entre l'Orient et l'Occident. Là où c'est possible, je vais aider et je vais le développer parce que c'est une vie ici où on a besoin de ce contact humain et artistique avec ce pays. Mon premier disque a été réalisé en 1976 par les Chants du Monde. Je n'étais absolument pas prêt mais j'avais une chance. Venez, on n'a pas un musicien irakien. On t'a fait un disque sur le label des Chants du Monde. Très bien. Ma première réaction, comme je venais d'un pays où tout est interdit, j'ai dit, je veux chanter la poésie populaire qui était interdite en Irak. Elle interdit aux poètes irakiens d'écrire la poésie populaire. Vous vous rendez compte ? Saddam a fait ça. C'était ma première réaction. Ce disque m'a donné une carte de visite pour découvrir le centre culturel, le festival et tout ça. Et je vous parle aussi d'une chose qui m'est arrivée. Je suis parti à Hong Kong par hasard. Il m'arrive énormément de choses comme ça. Et en survolant l'Irak, j'ai vu l'Irak de loin. Je me suis dit que ce pays, je ne l'ai pas vu depuis 25 ans, surtout je n'ai pas vu ma mère. J'avais beaucoup d'émotions. Tu as raison, tu es d'Irak. Tu as bien servi un petit bout. En revenant à Paris, je me suis dit que je voulais créer quelque chose qui s'appelle Paris-Bagdad. Une liaison, comme ça. Et je me suis intéressé aux poètes arabes. Parce que lorsqu'on vient en France, on découvre cette liberté. Merci. Cette liberté pour nous, artistes étrangers, c'est important. Et j'ai chanté le poète arabe qui parlait de la liberté, des rêves et des femmes. Et c'était un disque très important pour moi, il s'appelait donc le Paris-Bagdad, qui m'a fait connaître vers 1980. Et dans ce travail... Le centre culturel où je travaillais m'a demandé, Fawzi, il y a beaucoup d'enfants immigrés ici, il n'y a rien pour eux. Est-ce que tu peux nous proposer des choses ? Alors j'ai travaillé un an. Et j'ai pondu un disque qui s'appelle Dounia. Ce sont des comptines du monde arabe pour enfants. C'est important ces liaisons entre les enfants et leurs parents. Cette liaison est importante pour que nous puissions comprendre pourquoi ces familles habitent ici. Et puis, je vous parle d'une expérience intéressante à l'époque. Il y a des gens militants culturels qui étaient superbes. Ils parlaient de la culture étrangère à Paris. Ils nous ont emmenés avec mon ami Hassan Massoudi, un grand calligraphe irakien. Ils nous emmènent dans l'usine Renault entre midi et 14h. Les gens fabriquent des voitures. Nous, on vient faire de la musique et des calligraphies. C'est un moment absolument magique. Très important. Et puis, un jour, je découvre un grand magasin qui s'appelle la Fnac. Aujourd'hui, la Fnac vend des frigos. Et je vois à la Fnac les albums du monde entier. Et je tombe sur Coltrane. J'écoute Coltrane. Je me dis, ce n'est pas possible. Mais il fait de la musique orientale, c'est Coltrane. Et pourquoi il fait de la musique orientale ? Mais bien sûr, le oud est arrivé au 7e siècle en Espagne. Puis il est parti en Amérique, il découvre le mode oriental et le mode mineur. Et puis Coltrane joue sur le mode mineur.
Abdi Riber
Fawzi, combien tu as produit d'albums ?
Fawzi Al-Aiedy (Irak) Artiste
J'ai produit 14 albums, mais je ne veux pas les citer tous.

Abdi Riber
Merci Fawzi. Quand on entend les parcours de Ninon et de Fawzi, il y a une question: peut-on encore en 2025 parler d'invisibilisation et de dénigrement de la musique et de cette esthétique-là? C'est un vrai sujet, ce sont des mots forts. Ça m'a aussi marqué dans un monde métissé, un monde hybride, où on peut aller partout, on peut connaître tous les pays, on peut se mélanger. On est des métisses de peau, on est des métisses de cœur. On devrait être dans l'âge d'or des musiques dites du monde. On devrait avoir des ponts d'or. Est-ce que c'est un problème de structuration de la filière, des artistes ? Est-ce que c'est un problème de coordination ? Ou est-ce une absence de forces communes ? Sébastien?
Sébastien Laussel (Zone Franche)
C'est donc l'ère de glace, au lieu de l'âge d'or. Comment aborder ce sujet lorsqu'on parle d'invisibilisation ? L'enjeu qui est sur les musiques du monde c'est la question de diversité musicale et de visibilité en effet de différents types de musique et d'esthétique et de provenance des artistes sur toutes les scènes et c'est l'enjeu de la diversité. Est-ce qu'on devrait être dans l'âge d'or parce qu'on est dans un monde... Tout le monde n'estime pas que ce multiculturalisme est une bonne valeur.
Notre ministre de l'Intérieur récemment a dit que en France, le multiculturalisme n'était pas une force ni une richesse.
Même s'il y a beaucoup de gens qui communiquent, qui échangent entre eux, des artistes, des producteurs, des bookers, des professionnels, tout ce qu'on veut, il y a beaucoup de vents contraires. Les vents contraires, ce sont les vents de la normalisation, les vents parfois de l'industrie, etc., qui fait qu'il est de plus en plus difficile d'afficher une certaine diversité musicale sur les scènes. Il y a des lieux qui ne travaillent qu'avec les musiques du monde et pour lesquels ça peut être un challenge parfois tous les jours. Pour d'autres, c'est peut-être plus facile, je ne sais pas. Mais en tout cas, la notion de la diversité sur les scènes, le fait est qu'on la voit un peu se réduire. Il y a par exemple une étude récente de la Fédélima (fédération des lieux de musiques actuelles), l'étude donne par type d'esthétique ce qui est programmé sur les scènes des membres de la Fédélima, on retrouve les musiques du monde à 4%. En vérité, on sait qu'il faut modérer ce chiffre parce qu'il y a plein de choses qui sont de l'ordre des musiques du monde, mais qui après vont être plutôt classées dans le pop, etc., dans le rock, dans l'électro, peut-être même parfois. C'est pour ça que Merci. On a introduit le propos en disant que ce n'est pas une esthétique, donc c'est toute la difficulté de catégoriser dans les programmations ce qui est musique du monde, ce qui ne l'est pas. Sylvain, en ce moment, il fait tourner Jeff Jeff de TS, il pète les plombs parce qu'il a raison. On lui met musique du monde sur le groupe, alors que ce n'est pas le style du groupe. Le groupe, il fait autre chose. Il fait du psychédélique. Tu m'as dit comment... Voilà, c'est ça le style du groupe. Donc suivant comment on caractérise les choses, les musiques du monde sont aussi des musiques actuelles, il y a aussi des musiques traditionnelles, il y a aussi des musiques savantes, comme on dit, c'est tout un archipel, comme je disais tout à l'heure. difficulté à la catégorisation et donc la difficulté d'un peu mesurer ça de manière fine mais à défaut de pouvoir le mesurer de manière fine il n'empêche que il y a un problème de visibilité de ce type de diversité musicale Notamment, par exemple, dans les télés, radios, etc., il n'y a pas de presse dédiée aux musiques du monde. Il y avait Mondomix, par exemple, mais qui n'existe plus. Lorsqu'on regarde les derniers chiffres du CNM [centre national de la musique] sur la diffusion des émissions musicales ou des concerts live sur les chaînes de télé, on est autour des 3 % de diffusion. Sur les émissions, enfin, sur ce qui est diffusé comme type de musique à la radio, au niveau des musiques du monde, on est à nouveau à 3%. C'est très peu de visibilité. Et c'est un enjeu, parce que c'est un peu le cercle vicieux. Quand il n'y a pas de visibilité, on va dire que la salle ne va pas remplir, donc on ne va pas prendre le risque, etc. Alors que pourtant, ces musiques sont là, les artistes sont très nombreux. Dans le travail de Zone Franche, il y a un peu de souterrain auprès des institutions, etc. Notre rôle, c'est un peu de faire exister, de donner ces espaces à ces artistes. Récemment, après un an et demi de discussion avec la Spedidam [Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes], s'est ouvert dans le dispositif génération Spedidam qui a un dispositif d'aide et de promotion surtout d'artistes en développement. Avant, les musiques du mondes étaient mélangées au jazz, autant dire qu'il n'y avait pas beaucoup d'artistes de musiques du monde dedans. Zone Franche a fait un travail de réseau, c'est notre travail de plaidoyer auprès de la Spedidam pour que s'ouvre une promotion dédiée aux musiques du monde, les musiques de niche etc. Il n'empêche qu'ils ont eu 226 candidatures. La Spedidam m'a dit, je ne sais pas comment on va faire, vous avez trop bien bosser, c'est la première fois qu'on a autant de candidatures sur notre dispositif génération Spedidam, y compris en musiques actuelles. Ils n'en ont jamais eu autant. Donc les artistes des musiques du monde sont là, ils existent. C'est une niche pour ceux qui croient que c'est une niche. Si on va avoir une pensée orientale, des fois on croit que c'est une niche quand on ne la voit pas, mais parce qu'on ne la voit pas parce qu'on est dedans. Je pense que la niche n'est pas si petite, au contraire, elle est tellement grande que les gens ne voient pas qu'ils y sont dedans. Donc voilà, tout l'enjeu est là.
Abdi Riber
Est-ce qu'il n'y a pas un lien justement à faire avec la région ? Comment dans cette dynamique de visibilisation, les actions d'un réseau comme Grabuge peuvent accompagner la création des artistes et leur visibilité ?
Mylène Castelain
Déjà, je vais rebondir un peu sur ce qui a été dit. c'est vrai que par rapport rapport à ce qui est ressorti de l'enquête qui a été diffusée, que ce soit en région ou hors région, effectivement, le gros point en termes de difficultés, c'est le manque d'identification, la complexité à trouver de l'entourage, et je dis bien aussi bien en région que hors région parce qu'il y a quelqu'un, je ne sais plus, une structure ou artiste qui a parlé du fait de trouver de l'entourage, donc que c'était compliqué parce qu'en région, on ne trouve pas, et hors région, on préfère les groupes locaux, mais on est local calque en local. Et finalement, il y a un peu ce cercle vicieux. Finalement, je veux bien que tu me répètes ta question.
Abdi
Effectivement, le rôle d'un réseau comme Grabuge, une fois qu'on a ce constat-là, quels sont les leviers d'action ?
Mylène Castelain
Les leviers d'action, j'ai envie de dire, ils sont à venir puisque l'intérêt de tout ça, c'est peut-être qu'on se regroupe toutes et tous autour d'une table, d'une visio, ou que sais-je, et que on travaille à... avoir des leviers, trouver des solutions, aider à structurer, aider à faire réseau, déjà, premièrement, parce que je pense que beaucoup d'acteurs se connaissent, beaucoup ne se connaissent pas. Parfois, on se connaît de loin, mais on ne s'identifie pas. Parfois, on a besoin que les artistes rencontrent aussi, en vrai, tel ou tel diffuseur, telle ou telle structure de l'entourage. Pour l'instant, les leviers, on va y travailler. C'est plutôt là où on en est, en tout cas, sur ces esthétiques.
Abdi Riber
Et le point de vue d'un producteur comme toi Sylvain sur ces problématiques-là ?
Sylvain Dartoy (Wax Booking)
Par rapport à la visibilisation, pour être visible, il faut se regrouper, il faut s'agglomérer, il faut savoir qui on est les uns pour les autres. Il y a vraiment un travail sur le Grand Est qui est un énorme territoire. En fait, le Grand Est est une terre vierge. C'est en mission exploratoire quasiment. Il y avait quand même peu de choses ou alors chacun faisait un peu des choses de son côté. Donc finalement Grabuge est arrivé en 2000, enfin c'est pour le Covid, donc c'est tout frais par rapport à d'autres régions, tout est à faire, c'est extrêmement vaste, c'est une région qui va du bord de Paris à la frontière allemande, donc c'est énorme. Je crois que pour être visible déjà il faut dire "on est là", il faut enfoncer les portes.
J'invite tous ceux et toutes celles qui bossent déjà en production, en diffusion, même les artistes, il faut bosser, il faut aller vers les gens, il faut envoyer des mails, il faut aller chercher, parler entre vous. Il faut se rassembler et il faut évidemment s'agglomérer autour des choses qui existent.
Déjà, "il n'y a plus d'argent". Vous avez compris, je crois. Il y a de l'argent et on en a encore. Il y a bien pire ailleurs. On va voir nos voisins. Je peux vous garantir, ça fait longtemps qu'on leur dit qu'il n'y a plus d'argent et là, il n'y en a vraiment plus pour le coup. Tout le monde est à la billetterie. Les groupes attendent à la porte pour savoir si on a vendu 200 tickets pour repartir avec 500 balles. On n'est pas si mal, il y a encore quelque chose à faire. Donc c'est quand même se regrouper, et se regrouper non pas pour créer des nouvelles choses qui vont coûter de l'argent, qui vont coûter de l'organisation, on voit à quel point c'est dur quand on voit Zone Franche. Je suis adhérent depuis plus de 10 ans maintenant, actif, je vois à quel point avoir une équipe solide qui se démène en temps investi, on est dans des journées à rallonge, ça te prend la tête la nuit, ça peut te prendre la tête le week-end, C'est intense quand même, un vrai sacerdoce. L'enjeu pour être visible c'est bien communiquer, être ensemble, se rattacher à quelque chose. Grabuge est un excellent ancrage naissant, on a besoin de dynamique. En tant que producteur très investi dans ce qu'on est en train d'y construire aujourd'hui. Créer de la visibilité en recensant, en regardant avec chaque personne ici qui se reconnaît dans cette histoire, qui connaît une, deux ou trois personnes qui pourraient être intéressées. Donc ça commence par chacun, aller chercher autour de lui, voir. Et après, tout le monde se rassemble et là, on commence à émerger. Mais encore une fois, les portes, malheureusement, il faut les enfoncer. C'est comme partout, c'est tellement concurrentiel. Et puis, on défend des musiques qui ont un ancrage, qui viennent d'ailleurs. On regarde le parcours de Fawzi, c'est des parcours de vie... Il y a vraiment une nécessité de se rassembler. J'espère qu'on arrivera à recenser, exister... Il y a un handicap, mais il ne faut pas vivre tout le temps avec. Il faut y aller, il faut rentrer dedans. Toutes les salles qui ont des conventionnements, ministères et tout, ont des cahiers des charges qui imposent de la diversité des cultures en musique. Simplement, il faut le rappeler, mais non pas en étant véhéments, guerriers, mais en rappelant qu'on est là, en amenant des repères techniques, esthétiques. On parle de musique. Les gens qui programment ont une excellente culture musicale. Il faut aussi s'adapter. Je pense qu'il y a tout ça à faire, mais il ne faut pas se sentir perdu d'avance.
Abdi Riber
Merci. Bien sûr, bien sûr, tu peux rebondir.
Sébastien Laussel
Je peux rebondir, alors je rebondis. C'est là l'importance du commun, justement, et des lieux comme le réseau. C'est-à-dire que c'est là où on va venir s'appuyer, parfois se soigner aussi, parce qu'on va s'épauler. C'est là où se fait la force collective. Ce sont les lieux des communs, on va dire, où on va se réunir autour d'un socle de valeurs, un socle d'actions communes, où on ne vient pas forcément chercher quelque chose, comme tu le disais tout à l'heure, mais où on vient... vient faire force commune pour défendre ensemble ce qu'on porte et rendre plus visible des choses qui dans un monde a beaucoup de vent contraire en ce moment comme je le disais tout à l'heure donc les enjeux vont être plus grands parce qu'en effet les moyens disparaissent donc les difficultés vont aller croissant je ne veux pas casser l'ambiance mais les difficultés vont aller croissant, ça c'est clair on parlait ce matin des prochaines municipales qui arrivent, dans toutes les salles municipales il n'y aura plus de risques Je dis. je veux dire la diversité musicale, je pense qu'on va observer ça très tranquillement, mais à mon avis, il y aura des combats à mener sur la prochaine année qui va arriver, aussi bien au niveau financier et autre. Et je vous passe tous les discours que l'on entend aujourd'hui sur la culture en général, qui est très dispendieuse, qui coûte très cher, qui ne sert à rien, on est des privilégiés, tout ce qu'on veut. L'exemple des Pays de la Loire en est un, mais il y en a plein d'autres. Donc, il y a la question de l'argent qui disparaît, Merci. Il y a aussi la question des discours qui sont associés à ça, qui est très inquiétant. Donc voilà, beaucoup de vent contraire. C'est dans des endroits un peu comme des réseaux, comme Zone Franche, au niveau national et même international, je dirais, vu qu'on a des membres partout. comme Grabuge, c'est à ces endroits-là où vont se construire les forces, les forces locales ou les forces collectives à un niveau un peu plus méta. D'où l'importance de s'unir. L'union a toujours fait la force, c'est aussi bête que ça.
Abdi Riber
C'était justement la thématique du prochain sujet sur le rôle d'un réseau et de ses liens avec ses partenaires politiques. Est-ce que le réseau, c'est un outil politique, un outil pour aller parler aux politiques, justement ? Comment est-ce qu'on peut voir les choses ?
Sébastien Laussel
Il y a plusieurs niveaux. Il y a un effet en rôle politique puisqu'un réseau comme Zone Franche est dans différents espaces politiques au sens j'allais dire "noble", c'est-à-dire qu'on participe à des politiques culturelles et qu'on vient construire. Donc le réseau siège au niveau national, au groupe de travail musiques actuelles du ministère, dans diverses commissions stratégiques du CNM sur la transition écologique, sur la diversité, etc. Dans d'autres endroits, on est invité à la SACEM. Par sa dimension internationale, Zone Franche est aussi dans d'autres espaces comme l'Unesco, notamment la convention 2005 pour la défense et la promotion de l'expression de la diversité culturelle, on est dans d'autres endroits aussi, comme un groupe de travail récent mis en place par le haut commissariat aux droits de l'homme de l'ONU pour la protection des défenseurs des droits culturels en Afrique. En France, il y a un problème sur l'application des droits culturels et les lois, il n'y a pas assez de diversité culturelle et tous les enjeux autour des droits culturels. On est très loin de répondre à tous ces enjeux-là. C'est un problème de vivre ensemble, de société, etc. Il faut renforcer ces notions-là de droits culturels. En Afrique, c'est une autre ambiance. Les gens qui défendent les minorités culturelles disparaissent, sont emprisonnés. Donc, on est aussi à d'autres endroits, on travaille les droits culturels ici, dans des organisations dont on fait partie, comme le FISC aussi. Bref, on est dans divers espaces, institutionnels, autres réseaux, autres fédés, etc. On est à la croisement de plein de choses et c'est là où on vient porter une parole sur la défense de la diversité des cultures par la musique nous concernant puisqu'on est un réseau des musiques du monde et c'est là où on vient tâcher d'appuyer sur les politiques publiques pour qu'elles évoluent. J'ai donné l'exemple de Génération Spedidam, c'est un bon exemple. Voilà un travail un peu souterrain, pas très visible, mais pour qu'un dispositif évolue, changer donne plus de visibilité. En même temps dans Génération Spedidam et dans musiques actuelles, on retrouve Sarab que nous on qualifierait de musiques du monde, et ils sont dans musiques actuelles, et c'est cool, il n'y a pas de problème. Parce que Musiques du Monde ce n'est pas une secte, c'est juste un outil de défense, c'est un outil politique pour défendre la diversité. Après si la diversité se réalise, tant mieux, mais c'est un socle pour venir défendre ça, donc c'est politique et c'est aussi technique parce qu'on fait des rencontres professionnelles, on organise des temps d'interconnaissance, de présence sur les salons pour être là, en force, visible, etc. Et que les professionnels français soient visibles sur des salons comme le Womex [Worldwide Music Expo], un gros salon des musiques du monde, et on est en général la plus grosse délégation nationale. Ça permet de faire peser nos membres, producteurs, programmateurs, sur la scène internationale. Donc il y a les deux rôles, un peu technique, mais aussi beaucoup politique.
Abdi Riber
Sur le plan régional. effectivement on pourra passer différentes questions mais sur le plan régional le lien avec l'outil politique et le discours envers les politiques comment ça se passe ?
Mylène Castelain (Grabuge)
ça rejoint un peu ce que disait Sébastien mais à l'échelle régionale mais par contre c'est vrai qu'au sein de Grabuge l'idée d'une fédération de toute façon c'est de porter une voix commune justement tous ces espaces de travail tous ces groupes, tous ces collectifs où nous derrière on va chercher un petit peu on discute avec nos adhérents à savoir quelles sont leurs difficultés qu'est-ce qui va, qu'est-ce qui va pas, des fois il y a des choses qui vont aussi et l'idée c'est de... c'est de porter cette voix auprès de nos politiques, notamment de faire des plaidoyers, de faire des actions, d'avoir des leviers pour faire avancer les causes. Après, je vais faire de la redite sur ce qu'a dit Sébastien, mais dans l'ensemble, on se rejoint, si ce n'est qu'on est au niveau régional.
Fawzi
Je voudrais remercier Isabelle Sire, qui nous a fait confiance, de faire ouvrir ces séquences entre nous et vous, les artistes, les producteurs de Grand Est, qu'on va pouvoir travailler ensemble. Elle a dit, oui, vous pouvez venir parler de ça. Et pour nous, c'est tellement important. Merci beaucoup.
Abdi Riber
Merci, Fawzi. Ninon, en qualité d'artiste, mais aussi à l'ensemble des belles personnes de ce panel, quel est le plan d'action, et on peut même parler de plan d'attaque ? Vous pouvez construire pour défendre les valeurs d'universalité dans un contexte de repli identitaire ? Quelle voix les artistes peuvent et doivent porter actuellement ?
Ninon Valder
Mon plan d'action, c'est très franchement de rester le coeur ouvert et le regard droit, c'est à dire en travaillant ensemble. La dimension du coeur, main dans la main vers une direction commune c'est quelque chose qui a une force au delà de tous les vents qui vont nous tomber dessus, toutes les aires glaciaires qu'on subit. C'est ma réponse d'artiste évidemment, c'est pas du tout une réponse technique. Mais je pense que si on garde ça comme comme fil rouge, ça nous permet d'avancer. Je suis représentante des artistes au CA de Grabuge, je suis membre de Zone Franche, je suis au C.A. de la FAMDT [Fédération des Acteurs et Actrices des Musiques et Danses Traditionnelles], j'ai décidé à un moment donné de prendre part à notre vie politique, pour pouvoir donner cette impulsion qui n'est pas seulement une impulsion d'argent. Évidemment, il faut qu'on vive, mais on peut faire avec beaucoup moins. Je ne le souhaite pas, mais je le sais, il sera possible que demain, il y ait moins de subventions. et on continuera à créer. Par contre, au niveau de la visibilité, oui, il y a quand même beaucoup de choses à faire, mais à nouveau le cœur ouvert et ensemble, dans le respect de ce que font les autres et de ce qu'on fait soi-même.
Je travaille avec des musiciens marocains qui chantent en arabe. Depuis le 11 septembre 2001 et les attentats à New York, plus aucun de nos morceaux n'est passé ni en radio, ni en TV. Est-ce que vous entendez quelquefois un morceau en arabe à la radio, à la TV ?
Abdi Riber
Un micro peut circuler dans la salle s'il y a des questions, des interventions...
un auditeur dans la salle
Je m'appelle Marc Van Eyck [nom sous réserves d'intelligence artificielle], musicien dans les musiques du monde. Je viens de Bruxelles exprès pour vous rencontrer, c'est effectivement un plaisir. On parle de visibilité, il y a beaucoup de travail. Par exemple, pourquoi envoyer un petit gimmick des Queen ? Ces trois notes de Freddy Mercury que tout le monde a reconnu... mais pourquoi ne pas mettre un petit jingle de musiques du monde? C'est incroyable. On est formaté. On ne se rend même pas compte à quel point on est formaté. J'assiste à un tas de réunions en Belgique, au Québec, en Suisse, en France, j'assiste à beaucoup de salons. Je remercie Isabelle de m'avoir rencontré à Bruxelles, de m'avoir parlé de Strasbourg Music Week. C'est la première fois que je viens à Strasbourg. Mais il y a plein de salons où on défend les artistes. Donc je suis inscrit à la Sabam, équivalent belge de la Sacem. Je suis inscrit à Playwright, équivalent de la Spedidam. Ce sont de petites fédérations, c'est belge, mais on est quand même plusieurs milliers. Et on se rencontre, on boit des verres, on mange des petits toasts, et on met de la musique américaine et de la musique anglaise! Alors que, vous avez de la chance en France, vous avez des quotas relativement importants, mais ça défend la langue française. Les quotas au Québec et en Suisse sont aussi très importants. Les médias sont obligés de passer, je pense, minimum 50% de chansons françaises, si pas plus. En Belgique francophone, on est à 5%, 10%. Alors je travaille avec des musiciens marocains qui ne chantent pas en français, ils chantent en arabe. Depuis le 11 septembre 2001 à New York, plus aucun de nos morceaux n'est passé ni en radio, ni en TV. Est-ce que vous entendez quelquefois un morceau en arabe à la radio, à la TV ? Je crois que vous parlez d'âge d'or, je ne voudrais pas casser l'ambiance, mais l'âge d'or c'était les années 90. Et on ne parlait pas de musique du monde. J'étais abonné au magazine Actuel, je ne sais pas si vous connaissez. Tous les vieux là, vous connaissez le magazine Actuel? On parlait de sono mondiale, de sono globale. Et vous aviez à Paris des gens comme Youssou N'Dour, Cheb Khaled, c'était l'âge d'or des musiques du monde. Et puis il s'est passé des choses horribles au niveau mondial et puis j'étais invité au JT, au journal télévisé belge francophone tous les mois parce que j'ai eu la bonne idée de créer le premier groupe belgo-marocain à Bruxelles. Je rebondissais par rapport à Cheb Mami, l'Orchestre National de Barbès, des gens qu'on écoutait, qu'on croisait. Et j'ai eu la bonne idée de faire la même chose en Belgique, on était tout le temps sur les ondes. Et du jour au lendemain ça s'est arrêté ! Il y a vraiment un travail énorme à faire sur les mentalités, et donc ne plus passer le groupe Queen ! je sais pas si c'est les dames derrière leur machine à la régie là mais mais j'ai eu la chance vous vous vous n'imaginez pas la force des médias donc à une époque, les Francofolies, c'était un circuit. Donc, j'ai fait les trois Francofolies, La Rochelle, Spa, Montréal. Et plusieurs fois à Spa. Et donc, j'ai eu une carte blanche. On a pu inviter, le regretté Geoffrey Oryema. Et quand je disais Geoffrey Oryema, personne ne connaissait. Ah oui, Geoffrey Oryema. Parce qu'un de ses morceaux a été repris en générique d'une émission sur vos ondes, sur une télévision nationale. Ç'était peut-être TF1 à l'époque. Donc, ce morceau de Geoffrey Oryema, qui était signé sur une maison de disques internationale, c'était le gimmick d'une émission qui passait tous les soirs. Et donc, la moitié de la France connaissait, sans connaître, Geoffrey Oryema. et ça c'est vraiment un travail de base, un travail de sape par rapport au monde qu'on nous propose, le monde des banquiers, le monde des armées, le monde des grands marchands d'armes, le monde des GAFAM. Il faut lutter contre ça et c'est vraiment un effort de tous les instants, de tous les jours. Donc, merci pour le message. Réunissez-vous, fédérez-vous, réunissons-nous et buvons des coups. Mais avec en fond musical, s'il vous plaît, de la musique du monde ou de la musique locale.
une femme dans la salle
Bonjour. Je voulais rebondir sur ce que vous avez questionné, le fait qu'il y ait une invisibilisation des musiques dites du monde. Je ne sais pas, pour dire les termes, est-ce qu'on ne pourrait pas juste parler de racisme en France, où il y a une certaine culture qui considère qu'il y a d'autres cultures qui sont moins importantes, ou en tout cas qui ne méritent pas d'avoir autant d'expositions que d'autres ? Je pense que c'est important, sur une table ronde comme ça, qu'on prononce ce mot. Merci. surtout au lieu de la situation politique actuelle. Et que la culture, si vous avez pas arrêté de le dire, c'est politique. Je pense que c'est bien de dire les termes aussi. Et que du coup, comment dire, là où, par exemple, certaines personnes qui sont issues de certaines cultures vont vouloir peut-être faire des événements ou qui vont célébrer leur propre culture et qu'on va taxer de communautaristes alors qu'en fait, c'est juste le fait de vivre leur culture. Pour moi, en fait c'est de la discrimination, c'est du racisme. Du coup, je ne sais pas comment vous formulez ça, justement, dans le milieu de la musique. Ça m'émeut beaucoup, parce que je suis très touchée personnellement par le sujet. Comment est-ce que vous vous positionnez aussi de façon plus explicite là-dessus, au-delà du fait que, effectivement, c'est des musiques qui sont moins programmées ou moins diffusées à la radio. Est-ce que vous arrivez à avoir ces discours-là, par exemple ?
Sylvain Dartoy
Moi, en tant que producteur, j'entends ça, en fait. C'est la commande politique, donc clairement, il y a clairement une OP, j'ai un catalogue 100% Afrique ou culture afro-descendante ou Outre-mer et tout, et on me dit non, non, non, mais là, il y a trop de Noirs dans la proposition. Ce n'est pas passé en commission de prog. Moi, je vous le dis, il y en a. Après, ce n'est pas simple. Il y a un repli aussi, un repli sur les cultures européennes, un repli sur la chanson, sur les choses un peu. Moi, je dis toujours, n'oubliez jamais où on vit. On vit au pays de la musette et de la chanson française. On est là, on vit dans un pays où la culture musicale, les musiques classiques, bien sûr, il y a plein de choses. Mais récemment, c'est le baloche, la musette et la chanson française. Donc c'est super dur de parler de diversité et tout là-dedans parce qu'on est quand même là où on est né. Il ne faut pas oublier. C'est tout. C'est sûr qu'il y a un repli du racisme. Il y en a, c'est clair, on a tous compris. Tu as de l'émotion et ça fait mal au cœur, c'est clair. Mais c'est réel et il y en a partout. Parce que le racisme, c'est dans le cœur de l'humain. On est raciste du village d'à côté. Tu passes le pas de ta porte, tu es déjà à l'étranger de l'autre. Mais du voisin. En musique, c'est ça. En musique, on vient avec un background qui est la musette, qui est la chanson française, qui est le baloche, la franchouillardise et tout, et là t'arrives forcément, les mecs qui voient des gens arriver de La Réunion, faut faire du Maloya et puis c'est la fête à la saucisse, à la fite au rougail quoi. Parce que c'est ça, on a la culture, on vient de là, on a tendance à l'oublier, et puis ce qu'ils voient en programmation culturelle dans les saisons, c'est ça, c'est un retour à la chanson française, au truc simple, au truc à la rengaine et tout, sauf que on danse plus tous ensemble, on se filme, dommage, on a perdu en convivialité, mais là, moi j'ai pas de réponse. Je pense que ce qu'il faut faire c'est continuer à produire c'est continuer à accompagner, aller toquer aux portes aller au niveau des scènes qui ont du budget d'accompagnement, les SMAC on en a pas parlé c'est d'aller dans ces scènes là c'est d'aller chercher, de demander de l'accompagnement musical, d'aller chercher de l'accompagnement, de se battre de se battre, de se battre, de se battre, mais c'est sûr qu'on va chialer, c'est sûr qu'on se prend des portes et là on va toucher le fond, je vous le dis direct, on va toucher le fond mais il va falloir le toucher pour qu'après ça rebondisse, on va chialer un peu on va souffrir, mais il faut continuer. » Elle l'a dit, Ninon, il faut qu'on tienne droit, il faut qu'on... quoi qu'il arrive, que l'on tienne le coup le temps que ça va durer. Parce qu'on va s'en prendre, là, pour les cinq prochaines années, les six prochaines années, ça va être difficile. Mais il va falloir qu'on passe à travers. Mais il faut être conscient. Et ce que tu as dit, il faut le dire. On est conscient, mais par contre, il va falloir vraiment se galvaniser, et puis, bien évidemment, se rassembler avec l'existant, faire continuer à se battre, à exister. Et puis, on va passer un sale quart d'heure. De toute façon, là, c'est clair et net.
Sébastien Laussel (Zone Franche)
Pour apporter des éléments complémentaires à cette réponse passionnée.
Sylvain Dartoy
Il faut être conscient que dans les territoires, c'est ça le repère, c'est tout. Je vous dis, l'épinette des Vosges, il n'y a pas de problème. Mais voilà, il faut être conscient, il faut être réaliste. Il faut être réaliste.
Sébastien Laussel (Zone Franche)
Juste pour faire le lien un peu sur la phase politique, entre guillemets, Zone Franche, en septembre dernier, donc 2024, on a organisé dans le cadre du festival arabesque à Montpellier... grand forum Zones Franches avec comme titre les musiques du monde comme actes politiques pourquoi on a organisé ça ? vous vous souvenez de cette période il y a eu la dissolution il y a eu la montée en puissance du rassemblement national sur les résultats des élections législatives, mais qui était, comment dire, un long processus qui n'était pas une surprise. Ce processus, d'ailleurs, continue. Les renformes en Maïda intercontinuent et on organise ce grand forum-là parce que, justement, pour nous, les musiques du monde, donc ces musiques-là de la diversité, où on parle d'autres langues comme l'arabe, comme disait monsieur, où on entend d'autres instruments, où on entend d'autres cultures, on parle de l'arabe, on peut aussi chanter un lingala, un bambara, tout ce qu'on veut, toutes ces musiques-là. toutes ces langues-là qu'on n'entend pas, pour nous, ça relève de l'acte politique de défendre ces musiques-là. Parce qu'en fait, je le disais tout à l'heure, je citais Retailleau, je n'ai pas l'habitude de le citer, mais je le fais deux fois, quand il dit que la diversité culturelle en France n'est pas une richesse, il nie de fait non seulement une grande partie de la population en France, puisque la population française est multiculturelle, qu'ils le veuillent ou non, inhi l'histoire, y compris l'histoire douloureuse, parce qu'elle est multiculturelle. Pourquoi ? Parce qu'il y a eu aussi la colonisation, il y a toutes ces histoires-là qui pèsent aussi. Et c'est ce qui fait en même temps que la France est riche de son multiculturalisme, nonobstant ce qu'il en pense. Et c'est là où on vient justement lever des concepts comme le droit culturel ou des choses comme ça. Parce que oui, en effet, toute personne qui vit en France a le droit... un d'exprimer sa culture ou ses cultures, parce qu'il peut y en avoir plusieurs, a le droit non seulement d'exprimer, mais aussi d'y avoir accès. Donc, après, est-ce que ça relève du racisme ? On peut le donner sur ce mot-là. Moi, je dirais que c'est dans ce long mouvement de renfermement identitaire. Et on le voit dans plein d'aspects. Ça passe par la France. Monsieur parlait tout à l'heure des génériques qu'on entend à la télé, c'était tout à fait juste. Tout comme il y avait Guem, qui a une introduction de l'émission de Jean-Luc Delarue à l'époque. À l'époque, à la télé, il y avait Rachid Taha, il y avait Chabralet, il y avait Un, Deux, Trois, Soleil, la France Black Blanc Beur, les années 80-90, qui était l'âge d'or, en effet, des musiques du monde, mais aussi l'âge d'or du multiculturalisme français. C'est l'année où il y avait les Sud-Américains, les années où il y avait les Sud-Américains, etc. Tout ça, c'est perdu, parce qu'on est dans un long mouvement, et lent, mais... dans lequel on est, de renfermement identitaire. Il suffit de voir le spectre politique français et européen. C'est ça qu'il faut travailler, en effet. Pour l'instant, on le subit, mais je pense que ce qu'on subit, c'est aussi les musiques et les artistes qu'on défend. Ça peut être une force pour aller contre ça, même si peut-être on va être amené à toucher le fond avant de rebondir.
Ninon Valder, artiste blanche née ici
Moi, je veux dire, je suis une artiste blanche née ici. Je sens parfois du racisme inversé, c'est-à-dire des communautés qui ne veulent pas me programmer parce que je suis blanche née ici. Donc, sachez que pour moi, c'est pour ça que je parle d'ouverte du cœur et de rester ouvert vers les autres. Se réagir avec dureté et fermeture n'aide en rien.
Abdi Riber
Merci, Ninon, Faouzi, Sébastien, Sylvain et merci Mylène. Merci également à l'organisation du salon Strasbourg Music Week, à Isabelle et toute l'équipe de Diffusion Prod pour cet espace d'échange. Merci à vous d'avoir assisté à cet instant d'échange. Merci.
