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Jeanne Barseghian, maire de Strasbourg, accueille Eurocities

Photo du rédacteur: Jean-Luc WertenschlagJean-Luc Wertenschlag

Dernière mise à jour : 21 déc. 2024

Transcription d'une interview radio avec Jeanne Barseghian, maire de Strasbourg. Version audio à écouter ici. Réalisation le 22 octobre 2024 au Parlement européen par Jean-Luc Wertenschlag, avec l'aide précieuse de Lisa Giannarelli et de Ousmane Ouedraogo, pour Radio Quetsch, l'Alterpresse68, Europop, WNE et tous les médias motivés.


Devant l'écran de gauche à droite : Jeanne Barseghian, Burkhard Jung (maire de Leipzig) et Roberta Metsola (présidente du parlement européen)
Devant l'écran de gauche à droite : Jeanne Barseghian, Burkhard Jung (maire de Leipzig) et Roberta Metsola (présidente du parlement européen)


  • Strasbourg accueille Eurocities, un forum des maires de toute l'Europe. Pourquoi Strasbourg accueille ce forum de 200 villes européennes ?


  • (Jeanne Barseghian) Oui, Strasbourg est membre de ce réseau européen de grandes villes depuis maintenant plusieurs années. Mais c'est la première fois que le réseau Eurocities organise un grand sommet des maires européens ici à Strasbourg. Nous avons décidé de le faire en partenariat étroit avec l'équipe de Eurocities, tout simplement parce que nous sommes à un moment décisif pour l'Europe. Les nouveaux eurodéputés ont été élus au mois de juin 2024. La Commission européenne est en train de s'installer. C'est donc le moment pour les grandes villes européennes de porter leur voix, de porter leur priorité et de s'adresser très directement aux institutions européennes. Et c'est ce à quoi nous nous sommes attelés pendant deux jours à Strasbourg.


Les grandes villes sont en première ligne de tous les grands enjeux de notre siècle


  • Et qu'est-ce que vous leur avez dit à ces institutions européennes en tant que représentants des villes d'Europe ?


  • (Jeanne Barseghian) D'abord que nous avons besoin d'être davantage associés à l'élaboration des politiques européennes parce que c'est nous, in fine, sur le terrain qui les mettons en œuvre. Les grandes villes sont en première ligne de tous les grands enjeux de notre siècle. C'est bien sûr les enjeux d'adaptation aux changements climatiques, transformation écologique et sociale, c'est la mobilité, la santé, le logement actuellement en crise et pas seulement en France, mes collègues d'autres pays le disent également. C'est la question de l'alimentation, de l'énergie. Ce sont tous ces sujets sur lesquels nous sommes en première ligne. Nous tâchons du mieux que nous pouvons de répondre aux besoins d'aujourd'hui et de préparer l'avenir. Et nous avons besoin non seulement de l'oreille attentive de l'Europe, mais de son soutien concret et notamment financier.





  • Le Parlement européen glisse de plus en plus à droite, voire à l'extrême droite. Alors que les villes sont généralement plus à gauche. Cet éloignement politique ne va-t-il pas empêcher un travail commun ?


  • (Jeanne Barseghian) Vous avez raison, le Parlement européen a changé de visage lors de la dernière élection. Et aujourd'hui, les mouvements eurosceptiques, voire anti-européens, représentent 25% des sièges au Parlement européen. Ils peuvent avoir ce qu'on appelle une minorité de blocage sur certains dossiers, et bien sûr, ils influencent fortement les orientations de l'Assemblée parlementaire européenne. C'est d'autant plus important de porter et de défendre les enjeux d'inclusion, les enjeux d'accueil des personnes migrantes, d'intégration, de porter la voie de la lutte contre les discriminations, et bien sûr de la transition écologique, souvent critiquée, voire rejetée par ces mouvements anti-européens. C'est d'autant plus important avec un Parlement qui est aujourd'hui plus hostile aux politiques que nous mettons en œuvre, d'autant plus important de faire front commun et de faire entendre notre voix.


porter et défendre les enjeux d'inclusion, d'accueil des personnes migrantes, d'intégration, porter la voix de la lutte contre les discriminations


  • Il y a aussi, j'imagine, de nouvelles idées, des politiques existantes dans d'autres villes qui ont pu être partagées lors de ce forum Eurocities. Est-ce qu'il y a une ou plusieurs idées de projets politiques au bout de l'Europe ou juste à côté, qui ont été intéressantes dans ces échanges avec les maires des grandes villes ?


  • (Jeanne Barseghian) Ce qui est toujours frappant, c'est de constater que même en venant de pays différents, avec des systèmes institutionnels différents, des durées de mandats différentes, des cultures différentes et parfois même des couleurs politiques différentes, nous nous retrouvons globalement sur des enjeux communs et partagés. Donc oui, on a toujours à s'inspirer de ce qui est mené dans les autres villes. Je pense aux initiatives en matière de participation citoyenne. Je pense bien sûr à la décarbonation des mobilités ou le partage de l'espace public. Je n'ai pas entendu un maire me dire qu'il ne travaille pas sur les enjeux de stationnement, de réduction de la place de la voiture en ville. En fait, quelle que soit notre couleur politique, ça correspond aujourd'hui à des enjeux de notre siècle que nous mettons en œuvre. Ce réseau est aussi un lieu d'inspiration et de bonnes pratiques.


en France, l'État prive les collectivités locales de leur autonomie


  • En Alsace-Moselle, on a encore quelques lois allemandes qui s'appliquent. Et dans les lois allemandes existantes de l'autre côté du Rhin, il y a pas mal de décentralisations. Des lois locales peuvent être adaptées, créées dans chaque Land. Il y a une politique en matière d'écologie, d'enseignement, de sécurité, etc., qui est régionale. Est-ce qu'il ne faut pas avancer là-dessus en France ? Qu'est-ce qu'on peut faire à part se plaindre ?


empêcher le mouvement de recentralisation à l'œuvre


  • (Jeanne Barseghian) Déjà, empêcher le mouvement de recentralisation qui est à l'œuvre. On le constate, on est déjà un État très centralisé en France par rapport aux autres pays européens. Vous citez l'exemple de l'Allemagne, mais on pourrait en citer d'autres. Et on constate un mouvement de recentralisation, c'est-à-dire qu'on va encore plus loin en France dans l'État qui prive les collectivités locales de leur autonomie, notamment de leur autonomie fiscale, et parfois qui les met sous tutelle dans un certain nombre de domaines. Donc je plaide évidemment pour une décentralisation forte, je suis convaincue en tant que maire que les solutions à tous les enjeux de notre époque, nous les avons dans nos villes. Nous les mettons déjà en œuvre, on aurait besoin de plus de confiance de l'État. On aura besoin de faire évoluer notre système constitutionnel, qui, on l'a bien vu avec les discussions à l'Assemblée nationale, ne se prête pas tellement à l'établissement de coalitions, de négociations et de compromis, et sont plutôt dans une polarisation qui rend parfois le débat public assez stérile, et ça je le dis aussi bien pour le niveau national que pour le niveau local.


dialogue, négociation & compromis


  • En Belgique, en Suisse, en Allemagne, il y a des coalitions qui dépassent clairement ce qu'on arrive à faire en France. Est-ce que c'est uniquement une question constitutionnelle ? Est-ce que ce n'est pas simplement une question de volonté, de culture et de pratique ? Est-ce qu'aujourd'hui, peut-on imaginer dépasser les clans partisans en France ? C'est possible ?


  • (Jeanne Barseghian) Je vous donne un exemple qui étonne très souvent mes homologues allemands, c'est le système de la prime majoritaire. qui s'applique notamment dans nos collectivités locales, c'est-à-dire que quand vous arrivez en tête à une élection, quel que soit votre résultat, vous bénéficiez de la prime majoritaire qui vous donne systématiquement la majorité. Ce qui veut dire que même si vous êtes arrivé en tête, même à moins de 50%, vous n'aurez pas besoin de discuter finalement avec les autres partis ou avec l'opposition pour faire passer vos délibérations. Je ne vais pas me plaindre d'être majoritaire et de pouvoir mettre en œuvre mon projet. Mais je trouve qu'en terme de maturité démocratique et politique, on gagnerait dans un système qui nous incite davantage à bâtir des coalitions de projet et qui nous permette de sortir parfois de certaine posture. Je pense qu'on peut rester très fidèles à ses orientations politiques, à sa couleur politique. tout en étant dans une posture de dialogue et de négociation, de compromis un peu plus importante.




  • Pour terminer, juste un petit tour à Mulhouse, une coalition de projets avec Mulhouse. Qu'est-ce qui se passe entre Strasbourg et Mulhouse ? Quels sont les projets communs ? Est-ce que Strasbourg a quelque chose à faire avec Mulhouse, cette ville de pauvres et de jeunes à une heure d'ici ?


  • (Jeanne Barseghian) Oui, d'abord, moi je crois beaucoup à la coopération entre les différents territoires, que ce soit entre les grandes villes entre elles, que ce soit entre les centres urbains et les zones rurales. Moi, je pense qu'on a besoin de solidarité interterritoriale. Mulhouse comme Strasbourg font partie de ce qu'on appelle le pôle métropolitain, qui réunit les plus grandes villes d'Alsace et qui se réunissent régulièrement pour échanger sur des sujets qui leur sont communs. Celui qui me vient à l'esprit en premier lieu, c'est le sujet de la mobilité, et notamment du ferroviaire, puisque on est évidemment, j'allais dire dans le même bateau, en tout cas on a des enjeux communs à développer des solutions de mobilité nouvelles. On a aussi des enjeux communs à développer des connexions transfrontalières, et donc ça fait partie des sujets sur lesquels on coopère avec Mulhouse régulièrement.


  • Pour info, la ligne ferroviaire Mulhouse-Neuenburg-Freiburg réouvre le 2 janvier 2025.

  • Un dernier combat à mener ? C'est quoi la priorité, là tout de suite, Jeanne Barseghian ?


  • En ce moment même à Strasbourg, on termine l'enquête publique sur le tram nord, qui est notre plus gros projet de transformation écologique et de mobilité à Strasbourg, qui va permettre de reconnecter Strasbourg avec les communes du nord de l'eurométropole et de desservir plus de 50 000 habitants supplémentaires. C'est un immense projet dont j'espère qu'il pourra démarrer en début d'année prochaine.


  • Bonne chance pour le tram gratuit pour les jeunes à Strasbourg, alors qu'à Mulhouse, il est gratuit pour les vieux. Ça change. Merci beaucoup Jeanne Barseghian.


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