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Aurélien du Moulin raconte "Du temps pour soi"

Interview d'Aurélien Bonnet, coordinateur du projet, animateur nature et responsable du pôle "Publics extra-ordinaires" du Moulin Nature. Transcription d'un entretien audio à écouter en podcast.


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  • Bienvenue sur Radio WNE en ce 18 décembre 2025. Nous sommes au Moulin Nature à Lutterbach, juste à côté de Mulhouse, avec Fatma, Lévi et moi-même, Jean-Luc. Et nous recevons... enfin plutôt c'est Aurélien Bonnet qui nous reçoit. Peux-tu nous dire quelle est ta fonction ?


Je suis animateur nature de formation, mais j'occupe un poste pluriel, on va dire. Et donc, je suis animateur nature, donc sur le terrain, mais je coordonne des projets dans leur mise en œuvre. Et je suis également responsable pédagogique d'un des pans d'action de notre association.

Ce pôle s'appelle "Publics Extraordinaires, Santé Environnement".

Ce sont tous les publics qui, comme leur nom l'indique, ont des besoins particuliers qui sortent de l'ordinaire. On a préféré les valoriser dans le nom plutôt que les stigmatiser.


  • Nous sommes à la Stub, c'est la salle à manger et la cuisine du Moulin Nature, un lieu de vie avec plein de gens qui vont passer en claquant les portes et peut-être même en criant. Et nous sommes là pour le projet "Du temps pour soi". Quel est ce projet ?


C'est un projet initié en 2024, il a fallu quelques mois pour le maturer. C'est une réponse à l'appel à projet de la CEA, Collectivité Européenne d'Alsace, qui a soumis un appel à projet pour financer des initiatives en faveur soit des seniors, soit des personnes qui les accompagnent. Le Moulin Nature a répondu présent et a proposé un projet dans le cadre du droit au répit pour les proches aidants qui accompagnent des personnes dépendantes au quotidien.


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  • On compte quelques 11 millions d'aidants en France, et les aidés, je ne sais pas combien ils sont, mais en tout cas, il y a une belle, grande population concernée par cette mission d'aidant familial a priori. Mais comment le Moulin Nature, centre d'initiation à la nature et à l'environnement, s'occupe de seniors, d'anciens pour ne pas dire vieux. C'est quoi le lien ? Comment est-ce qu'on arrive à connecter l'environnement, la nature aux aidants qui sont souvent des personnes âgées ?


Pour nous, le lien était très évident dans le sens où on est conscient et persuadé que la nature a des bienfaits à la fois sur la psyché et le physique.

Quand on se balade en forêt, dans une prairie, etc., on ressent tout de suite du bien-être, un apaisement ou le rythme cardiaque qui se régule, etc.

On a imaginé un programme de 12 journées, au cours desquelles les matinées étaient réservées à des sorties pour découvrir les espaces de nature M2A. C'était un double objectif, à la fois sortir, faire découvrir des espaces de nature accessibles sur lesquels les aidants et leurs aidés, s'ils sont mobiles, pouvaient retourner, dans un premier temps, et dans un second, leur offrir des espaces pour se détendre. pour être ensemble, découvrir, marcher, faire de l'activité physique. Et puis ensuite, apprendre des choses, avoir des clés de compréhension de la nature qui les entoure, sur la faune, la flore, et ce qu'on peut en faire. Évidemment, on a parlé des plantes sauvages comestibles, et de comment on pourrait les mettre dans notre assiette, par exemple.


  • Voilà, manger des plantes qu'on va cueillir dans la forêt. Mais Aurélien Bonnet, tu as une formation d'animateur nature. Donc j'imagine qu'à travers ce projet "Du temps pour soi", qui consiste, comme tu viens de nous l'expliquer, à accueillir et à offrir du répit aux aidants, c'est un monde que tu as découvert à cette occasion.


Oui, c'est exactement ça.

Alors, au Moulin Nature, nature et social sont indissociables.

Parce qu'au travers de nos actions, on est plutôt sur un bassin de population urbain ou périurbain, un petit peu rural, mais vraiment à la marge. Du coup, on touche des populations qui sont relativement éloignées de la nature. Au travers de nos actions, on renoue le public avec l'espace de nature de proximité, voire un peu plus loin quand elles sont prêtes à le faire. Le social fait partie intrinsèque de nos valeurs, et c'est donc indissociable. Et prendre soin de l'autre avec une grande empathie, et beaucoup d'humanité, c'est ce qui nous anime.



  • Quand tu as découvert ce monde des aidants, qu'est-ce qui t'a marqué ? Qu'est-ce que tu as retenu de cette découverte ?


J'ai eu le sentiment très vite que j'allais être plus inspiré par eux que l'inverse. C'est-à-dire qu'ils sont là, ils font preuve d'une résilience, d'une force à toute épreuve.

Ils ont un amour indéfectible pour la ou les personnes qu'ils accompagnent.

Et rien que ça, c'est ultra inspirant, ça inspire beaucoup de respect, beaucoup de fierté d'être à leur côté. Et au travers des discussions qu'on a, ils ont une grande souffrance, une grande empathie. Et pourtant, ils sont quand même là, c'est-à-dire qu'ils ont un élan de vie, ils ont une pulsion de vie qui les pousse à aller de l'avant, à rester positif, à quand même penser à eux-mêmes sans oublier qui ils sont et qui est la personne qu'ils ont laissée de côté l'espace d'un temps pour pouvoir respirer un peu et avoir du répit. Donc moi ce qui m'inspire le plus, ce que m'inspire ce projet, c'est beaucoup de fierté et la force qu'ils expriment au quotidien.


  • Qu'est-ce que tu aurais envie de partager pour les vieux et les vieilles qui nous écoutent et les aidants, enfin nous sommes tous des futurs vieux, des futures vieilles. Qu'est-ce que tu aurais envie de partager avec ceux et celles qui sont peut-être confrontés aux personnes âgées ou handicapées, en perte d'autonomie, où ça nous arrivera aussi à tous et toutes.


C'est un chemin, un cheminement pour accepter à la fois l'état dépendant de son proche, son propre état d'aidant, qui parfois peut être enfermant. Il nous isole parce que la personne dépend de nous quasiment à chaque heure. Mais ce n'est pas une fatalité. Et pour que la personne dépendante puisse bénéficier de son proche, il faut que celui-ci soit en mesure de se ressourcer à un moment. Parce qu'on ne peut pas être toujours au front. On ne peut pas être toujours la tête dans le guidon avec des œillères fixées sur son proche. Il faut aussi pouvoir se ressourcer soi-même. Et donc, je vous invite toutes et tous qui êtes soit déjà dans le cheminement justement de la personne qui va accompagner quelqu'un d'autre, de venir vous rapprocher autour des deux plateformes pour le répit Amaelles et au fil de la vie, qui font un gros travail d'accompagnement aussi bien juridique, administratif qu'en termes d'activité et d'animation. Le Moulin Nature s'inscrit pleinement dans cette catégorie d'activités. On vient, on vous accompagne aussi en soutien de ces deux plateformes pour proposer des activités de nature et de temps de parole. On fait venir des professionnels, pour vous aider et pour faire groupe aussi, pour découvrir de nouvelles personnes et de nouvelles choses.


  • Alors on rappelle que le droit au répit est une loi. Il y a des textes législatifs qui autorisent, accompagnent les aidants familiaux, et que notamment, donc, il y a deux plateformes pour le répit, l'une plutôt tournée vers le monde du handicap, avec une reconnaissance de la MDPH, la maison départementale des personnes handicapées. L'autre plutôt vers les seniors. Et donc en tapant "plateforme pour le répit sur internet", on trouve ces deux plateformes. Et il y a tout un tas de propositions, d'activités, ou de prise en charge aussi de la personne qu'on accompagne.Voilà, alors même si vous êtes jeune et vigoureux et sportif, préparez la vieillesse de vos parents, de vos grands-parents, et plongez dans une plateforme pour le répit. Il n'est jamais trop tôt pour s'entraîner à devenir vieux.


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  • [Fatma] J'ai une question, je suis passée par ça, en tant que jeune, et je passerai encore par cette épreuve, et du coup, je me demande, est-ce que vous n'avez pas rencontré des jeunes qui sont des aidants ? Ou votre projet n'accepte que les aidants un peu âgés ? Il n'y a pas de jeunes ?


En fait, quand on a été en phase de promotion pour chercher un public, des participants, on a fait un webinaire et il y avait une dame qui faisait partie d'une association de jeunes aidants. Ils avaient entre 6 ans et 18 ans. Et donc, elle accompagnait des jeunes qui étaient issus de parents en situation de handicap, par exemple, qui avaient des maladies mentales ou psychiques. Et donc, ils étaient avec des parents, un ou les deux, qui n'étaient pas en mesure de s'occuper pleinement d'eux. Et donc, de fait, leur statut, c'était des personnes aidantes au quotidien. Ils faisaient le repas, ils venaient border le maman quand elle n'était pas capable de se lever, etc. Nous, on avait imaginer un projet pour soit des jeunes adultes, soit des adultes. Donc là, en gros, on avait dit qu'on acceptait les jeunes à partir de 16 ans. Donc, des jeunes auraient pu être là, participer au projet. Peut-être que ça n'a pas été suffisamment communiquer en ce sens-là. En tout cas, lors du webinaire, on a eu plusieurs personnes qui accompagnaient des jeunes qui avaient un statut de proche aidant et qui avaient moins de 18 ans. Et on aurait bien aimé, mais ça n'a pas pu parce qu'au même moment, ils ont déménagé. Du coup, c'était trop compliqué à gérer tout de front. Mais j'espère que pour la deuxième mouture du projet qui va naître en 2026, on aimerait qu'il y ait une grande pluralité de public et qu'il y ait peut-être des seniors, des personnes encore actives et des jeunes du coup. Et ça apporterait vraiment une fraîcheur et des discussions encore plus riches.


  • Et vous vous projetez déjà dans des activités futures ? Est-ce que ça sera le même groupe, un seul groupe, pour tout le monde ? Les âgés, les jeunes ?


On va essayer de faire des activités et des sorties consensuelles et donc qui conviennent aux deux, trois catégories de publics. Ce n'est pas encore fait parce que là, il y a l'appel à projet de la conférence des financeurs qui est sortie, auquel il va falloir qu'on réponde et qu'on propose une nouvelle mouture de projet. Ça va être "Du temps pour soi 2, le retour". On a imaginé une mouture dans laquelle les frais de prise de garde des proches aidés soient inclus directement dans le projet. C'est-à-dire que la CEA et leurs partenaires financent le fait de faire venir un professionnel à domicile. Ça permettrait d'assurer une meilleure assiduité. Car faire venir la famille, les voisins, des professionnels, des amis, demande une ingénierie d'organisation qui est très compliquée à mettre en place, surtout que quand on n'a pas beaucoup d'espace disponible dans la tête.

Et donc, avoir des frais de garde et des solutions de garde qui soient claires, régulières, pas prises de tête, ça apportera beaucoup plus de légèreté et de disponibilité du public.




Non, justement, c'est très large. Ça comprend toutes les personnes seniors et les proches aidants. Ça inclut aussi tous les publics qui sont dans le champ du judiciaire. Donc, soit des jeunes accompagnés par la PJJ, la Protection Judiciaire Jeunesse, soit des gens qui sont en quartier de semi-liberté, soit des gens qui sont dans la prison, soit des jeunes qui seraient en CEF, centre éducatif fermé, etc. Donc là, c'est tout le champ du judiciaire. Ça inclut aussi toutes les structures médico-sociales, donc tous les types de handicaps, à la fois les handicaps mentaux ou physiques, ou les deux d'ailleurs, en polyhandicap. Et ensuite, ça inclut toutes les questions liées à la santé et à l'environnement. Et donc c'est comment la nature peut être au service du diabète, des maladies cardiaques, etc.

La Société de Cardiologie de France estime qu'en 40 ans, les jeunes ont perdu 25% de capacité cardiaque. C'est-à-dire que les jeunes ne sortent plus, sont trop sédentaires.

Et donc nous, au travers des activités qu'on propose, aussi bien dans les quartiers que dans les clubs nature, dans les sorties, dans l'espace scolaire, périscolaire, etc., on accompagne tous les publics pour aller dehors, pour faire une activité physique, pas forcément du sport, jardiner, gratouiller, sauter. Voilà, on travaille la motricité.


  • Se connecter avec la nature.


Voilà, se connecter avec la nature, mais surtout être dehors par tous les temps.

Et donc, effectivement, un public extraordinaire, c'est très large. C'est tous les publics qui nécessitent une adaptation particulière, qui ont des besoins particuliers, qui nécessitent qu'on aménage un peu nos propositions pédagogiques. Et donc, du coup, le panel est ultra large. On est intervenu pour mettre en place un jardin urbain partagé, en prison pour aménager les cours de promenade avec les détenus. On accompagne les jeunes dans le cadre de stages citoyenneté, suivi par la PJJ. On va avec l'association des paralysés de France, l'association Maison Alistair, etc. On est vraiment ultra large. Pour nous, ça demande pas mal d'adaptabilité. Et on a engagé un gros programme de formation en interne, aussi bien pour l'aménagement de nos locaux et de nos terrains, que dans la formation de l'équipe, dans l'acquisition de matériel et dans la création d'outils pédagogiques dédiés.


  • Merci beaucoup Aurélien Bonnet, responsable du pôle pédagogique "Publics extraordinaires, santé, environnement", au Moulin Nature, à Lutterbach, à côté de Mulhouse. Vous tapez lemoulinnature.fr pour en savoir plus.


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