top of page

La fondation Heinrich Böll et l'éducation politique, un concept allemand inconnu en France

Dernière mise à jour : 27 août

Lors des journées des écologistes (JDE) à Strasbourg du 21 au 23 août 2025, Marc Berthold, directeur du bureau parisien de la fondation Heinrich Böll, animait un atelier "La droitisation de l’Allemagne. Quel rôle pour les Grünen ? " présenté comme suit.


La droitisation de l’Allemagne. Quel rôle pour les Grünen ?L’Allemagne a un nouveau gouvernement dont les écologistes ne font plus partie. Dans un contexte de droitisation de la politique, de montée de l’extrême droite et alors que l’Europe se réarme, cet atelier explorera les multiples défis qui attendent la nouvelle coalition au pouvoir. Quel rôle veulent jouer les Verts, maintenant dans l’opposition, pour défendre des mesures écologistes dans un monde en plein bouleversement ? Quelles perspectives de coopération entre écologistes des deux côtés du Rhin ?

Partons à sa rencontre, avec la transcription à lire ci-dessous d'une interview audio à écouter en podcast. Les podcasts JDE ont été réalisés par Fatma Jrad, Lévi Giner et Jean-Luc Wertenschlag, pour Radio Quetsch, Nefzawa Link, Radio WNE et L'Alterpresse 68. Toutes nos productions sont à libre disposition des médias intéressés, sous licence Creative Commons CC Zero (licence libre non copyleft - auteur Radio WNE).


Voir notre article avec les liens vers tous les podcasts et toutes les interviews JDE 2025 :



Marc Berthold
Marc Berthold

[Marc Berthold]

Après la 2ème guerre mondiale, après la shoah, avec la création de l'Allemagne de l'Ouest, la République Fédérale de l'Allemagne à l'époque, les Alliés ont décidé qu'il fallait créer une société civile démocratique, vivante, active. Et il y avait un exemple social-démocrate, avec la Fondation Friedrich-Ebert, qui existait entre les deux guerres dans la République de Weimar pour éduquer les familles des ouvriers, pour la lutte des classes et pour la démocratie aussi. Et après la 2ème guerre mondiale, on a créé plusieurs fondations des partis représentés au Bundestag.

Si un parti est élu trois fois au Bundestag, il a le droit de créer une fondation financée par l'État, pour engager la société civile entre les partis, le monde politique et la société civile.

Mais nous sommes indépendants des partis, on n'est pas une structure du parti. Le financement vient de l'État, il faut approuver, on est efficace, on fait l'économie. Notre fondation travaille en Allemagne. Mais les fondations, depuis 50 ou 60 ans, travaillent aussi au niveau international pour engager la société civile allemande avec les sociétés. civiles d'autres pays. C'est pourquoi pour la Fondation Heinrich Böll, il y a 38 bureaux dans le monde. Moi, je travaille dans notre bureau à Paris et on travaille depuis Paris, en France et en Italie. On s'engage dans le dialogue franco-allemand, italo-allemand, on mène des projets avec des associations sur l'environnement, les droits civiques, l'égalité, la liberté de la presse, la défense de la démocratie et la défense de l'écologie et du climat.


  • L'AfD, Alternativ für Deutschland, l'équivalent du Rassemblement National en Allemagne, a aussi sa fondation ?


Oui, c'est vrai, c'est un sujet. Il y a une fondation des conservateurs (CDU), c'est la fondation Konrad Adenauer. Il y a la fondation Friedrich Ebert pour les sociaux-démocrates (SPD), la fondation Friedrich Naumann pour les libéraux (FDP) et la fondation Rosa Luxemburg pour la gauche (die Linke). Et l'AfD, après sa deuxième élection au Bundestag, a créé la fondation Desiderius-Erasmus. Jusqu'ici, ils n'ont pas reçu d'argent public parce que leur travail ou le travail du parti est considéré contre la démocratie, contre notre loi de base. Ils sont allés au tribunal constitutionnel fédéral à Karlsruhe et ils ont gagné. Et le Bundestag a voté une nouvelle loi pour les fondations politiques, pour intégrer des valeurs et des critères, qu'est-ce qu'il faut faire et qu'est-ce qu'il ne faut pas faire pour recevoir de l'argent. Et maintenant, cette loi s'applique. Or l'AfD a été réélue pour la troisième fois. C'est donc le moment où sa fondation devrait aussi recevoir de l'argent public. La question se pose maintenant au Bundestag, est-ce qu'il faut un budget spécial ? Parce qu'il y a un grand camembert de financement pour les fondations publiques. Est-ce qu'on crée un nouveau petit camembert ? Ou est-ce qu'il faut prendre un morceau du camembert existant pour cette fondation ?


Faut-il donner du camembert aux nazis ?


  • Faut-il donner du camembert aux nazis ? C'est une bonne question. Mais sinon la fondation Heinrich Böll fait aussi de l'éducation politique. C'est quoi l'éducation politique en Allemagne ? Il semble qu'en France cela n'existe pas.


Non, probablement c'est plutôt l'éducation civique. Qu'est-ce qu'on fait ? On travaille avec les associations civiles sur l'environnement, sur les questions de la démocratie, comme je l'ai dit, sur l'immigration, le droit des genres, l'égalité, la liberté de presse. On fait des publications. Nous avons un stand aux journées des écologistes à Strasbourg, venez le visiter. Il y a des publications sur des sujets écologistes en Europe, comme les mobilités, la transition énergétique, sur l'alimentation et l'agriculture. Nous engageons le dialogue avec les citoyens et citoyennes d'autres pays, on crée des échanges. Ce n'est pas une éducation formelle. En Allemagne, il y a aussi des formations. Mais ici, c'est plutôt le dialogue, l'engagement entre les sociétés. Parce qu'avec notre responsabilité historique, ce n'est pas à nous de dire aux autres, en France ou dans d'autres pays, ce qu'il faut faire. C'est plutôt apprendre, échanger et bouger ensemble.



  • Je suis sans doute plein de préjugés et de stéréotypes, mais j'ai l'impression que les Allemands sont beaucoup plus militants, engagés politiquement. Les essais nucléaires que Jacques Chirac a relancés dans le Pacifique à Mururoa en 1995/1996 a amené tous les bars de Freiburg à boycotter les alcools français. L'écologie politique est née en Allemagne. On voit des manifestations anti-nazis, pas tous les jours, mais souvent. Je parle de Freiburg qui est à côté de Mulhouse, alors qu'à Mulhouse, à Colmar ou à Strasbourg, la mobilisation est moindre. Les jeunes Allemands sont-ils plus engagés, plus militants politiquement que les Français ?


Je pense que les racines des mouvements écologistes sont aussi nées en France, c'était en même temps qu'en Allemagne.

Je vis en France et à Paris notamment depuis trois ans, et j'ai bien l'impression que la société civile est assez active et vivante aussi, avec les grèves, les manifestations s'il y a à protester contre la loi sur les retraites, pour les droits des femmes, ou pour le climat. Le mouvement était très important, c'est vrai, en Allemagne, avec les Fridays for Future, il y a quelques années. Et maintenant, la lutte contre l'extrême droite mobilise, en raison de notre histoire, de la menace du fascisme qu'on a déjà connu en Allemagne. Et c'est pourquoi les jeunes qui ont peur, et pas seulement les jeunes, descendent dans les rues pour défendre ce qu'on a réussi à créer, une Allemagne démocratique, ouverte, libérale, et on veut la garder. Mais il y a aussi des manifestations en France. Je suis très impressionné parfois. Surtout, une chose m'a marquée, j'ai l'impression que le mouvement des femmes est beaucoup plus diversifié en France qu'en Allemagne. En Allemagne, c'est plutôt la gauche qui milite. Quand je vois les manifestations à Paris pour le 8 mars, la journée des femmes, ou les manifestations contre les violences faites aux femmes en novembre, c'est vraiment beaucoup plus divers politiquement et socialement. Bien sûr, la France est plus diverse que l'Allemagne avec l'histoire de l'immigration. C'est très impressionnant. Il y a quelque chose à apprendre aussi.


  • La droitisation de l’Allemagne. Quel rôle pour les Grünen ? Une rencontre avec (de gauche à droite) Inès Grau (secrétaire Les écologistes Alsace), Sven Giegold (vice-président fédéral Die Grünen), Jeanne Dillschneider (députée de la Sarre) et Marc Berthold (directeur du bureau de Paris de la fondation Heinrich Böll)
    La droitisation de l’Allemagne. Quel rôle pour les Grünen ? Une rencontre avec (de gauche à droite) Inès Grau (secrétaire Les écologistes Alsace), Sven Giegold (vice-président fédéral Die Grünen), Jeanne Dillschneider (députée de la Sarre) et Marc Berthold (directeur du bureau de Paris de la fondation Heinrich Böll)

  • Pour terminer, la fondation Heinrich Böll, j'imagine, distribue de l'argent. Quels projets de médias, d'associations en France, quels projets franco-allemands peuvent être soutenus ? Comment ça se passe si on a un projet qui correspond aux valeurs de la fondation ? On peut le présenter ?


Oui, on peut le présenter. Il y a des stratégies. On travaille sur trois axes. C'est plutôt l'environnement, le climat, la transition écologique et sociale. Ensuite, la démocratie, la migration, le droit des femmes, la liberté de la presse. Nous en occupons aussi de lutte contre l'extrême droite, des questions de l'Europe et de la sécurité, de la guerre en Ukraine. Nous travaillons souvent en coopération, on développe ensemble les projets avec les associations civiles. La fabrique écologique par exemple, le Virage Énergie est une association dans le monde écologique avec laquelle on travaille, dans les médias on travaille avec une association qui s'appelle AJAR, ce sont des journalistes antiracistes et racisés. Un bon partenaire pour nous dans l'écologie, entre démocratie, diversité et l'écologie, c'est Banlieue Climat, une association des quartiers populaires, maintenant partout en France, mais créée à Strasbourg et Paris. Souvent on fait des échanges avec les partenaires en Allemagne, où on organise une conférence, on lance une étude, il y a des bourses pour des jeunes militantes, pour peut-être participer à une conférence ou pour créer des liens avec d'autres jeunes dans d'autres pays. Nous ne lançons pas d'offres, d'appels, mais on est en contact et on voit s'il y a une stratégie, une idée en commun, et on réfléchit comment travailler ensemble.


Si les Français veulent le retour de Pétain...


  • Une dernière question pénible, mais... Si on croit en la démocratie et que les citoyens, les citoyennes veulent devenir nazis et votent fascistes, c'est ça la démocratie, non ? Si les Français veulent le retour de Pétain, si les Allemands ont envie d'être nazis à nouveau, si les Brésiliens veulent Bolsonaro, si les États-Unis votent Trump, c'est la démocratie, non ?


Mais oui, s'ils votent, on va voir s'ils ont la majorité. Mais c'est comme avec la liberté. La liberté d'une personne s'arrête si ça a un impact négatif sur une autre personne. C'est-à-dire, pour garder l'égalité, il faut aussi débattre des valeurs politiques et des programmes. Ça, c'est aussi la démocratie. S'ils gagnent, c'est grave, oui, mais ils ont le droit de se présenter aux élections, ils ont le droit d'être élus. Oui, à ce niveau-là, ils font partie de la démocratie. Mais qu'est-ce qu'ils veulent faire ? Est-ce qu'ils veulent arrêter le système de la démocratie ? On voit Trump, il a des problèmes, il envisage d'arrêter avec les élections, parce qu'il est là maintenant. Ça veut dire qu'il y a aussi une attaque de la démocratie par les forces de l'extrême droite, et c'était l'histoire de l'Allemagne aussi. Officiellement, Adolf Hitler a été élu, mais le jour après, il a détruit la démocratie. Ça veut dire qu'il faut être vraiment attentif et être pour les valeurs vraiment démocratiques.


  • Merci beaucoup Marc Berthold, directeur du bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll.


Liens :


Heinrich Böll
Heinrich Böll

 
 
bottom of page